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Portrait de quelques élites


Les jeunes garçons ou filles qui intègrent les Grandes Écoles sont déjà dans l'idée qu'ils sont les meilleurs : ils ont suivi des années de préparation très sélective et ils ont gagné aux concours d'entrée. D'ailleurs, bien avant de préparer les concours, dans leurs familles, ils étaient cornaqués par leurs parents pour réussir aux Grandes Écoles et on leur inculquait déjà l'idée "qu'ils étaient les plus forts". La Grande École en question va alors les renforcer dans leur complexe de supériorité.

Pour les jeunes loups et louves, par exemple, essentiellement reformatés dans les Grandes Écoles, les prémisses de leur personnalité renvoient à une idéologie du management libéral à visage humain qu'ils apprennent dans leurs Écoles. On peut formuler ainsi leurs croyances :
- il faut agir et faire (ce sont des activistes volontaristes) ;
- il faut créer et innover (ils sont dynamiques et progressistes) ;
- il faut analyser et raisonner (ils sont rationalistes) ;
- les problèmes bien posés peuvent être résolus par la technique (ils sont scientistes) ;
- il faut des chefs qui commandent (ils sont élitistes) ;
- il faut savoir s’imposer lorsque (comme nous) on est compétent (ils sont dominateurs et sûrs de leur valeur) ;
- il faut réussir sa carrière en se faisant des relations opportunes (ils sont arrivistes et calculateurs).
Leurs modèles, ce sont les grands commis de l’État, les grands chefs d’entreprise, les hommes politiques en vue, les scientifiques reconnus..., qu’ils connaissent et ont vu se produire devant eux dans leurs Écoles. Leurs identités négatives sont prises dans les foules travailleuses de province : les prolos, les p’tits profs, les p’tits bureaucrates... Ils ont sur eux des stéréotypes forts, précis et répulsifs. D'ailleurs des propos révélateurs leur échappent quelquefois...

Les énarques, les polytechniciens, les Sciences Po., les HEC, les agrégés du supérieur, les professeurs chefs de services hospitaliers..., forment les élites de la nation. Ce sont des "Hommes dominants" qui ont des postures et des attitudes "d'Alpha" : air supérieur, port de tête droit, regard hautain, démarche fière, ton sans appel..., ce qu'il faut pour assurer des réponses de respect...

Pour la plupart, ils (ou elles, bien sûr) se retrouvent aux commandes du pays. Leur complexe de supériorité continue évidemment de jouer. Ils engagent alors entre eux une féroce compétition pour "être le meilleur", "être devant les autres" ou "mieux réussir leur carrière"...

Dans une forme sublimée, leur complexe de supériorité peut aboutir au "complexe de Narcisse" : l'individu est imbu de lui-même, il est individualiste et égoïste. Tout ce qu'il pense et tout ce qu'il fait est parfait et doit servir de modèle aux autres (Christopher Lasch, Le complexe de Narcisse, 2006).

Ces élites vivent donc chacune dans un monde particulier inhérent à leur domaine d'insertion professionnelle. Elles ont d'ailleurs fabriqué les règles de ces mondes et fonctionnent avec leurs codes. Elles découvrent quelquefois avec surprise et compassion amusée le monde des vulgum pecus (le troupeau des vulgaires), mais reviennent vite dans leur milieu balisé et porteur du sens de leur vie de dominant.

Extrait de : Alex Mucchielli, J'ai vaincu mes complexes et mes peurs, éd. Kawa, 2019.

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