Logiciels psychologiques
Extension du domaine de la révolte
Dans ce post, je fais de la capacité de révolte un mécanisme psychique inconscient présent chez chaque Homme. Cette capacité n’est pas innée, mais elle est acquise lors de la crise d’adolescence. Elle façonne un programme mental qui va, soit se cristalliser et devenir une constante permanente de la personnalité, soit s’estomper et passer en profondeur sous une couche d’autres programmes plus matures. Mais, dans ce cas, le logiciel peut tout de même être activé par des stimulations extérieures et produire alors des bouffées de révolte.
La révolte adolescente
L’adolescence, c’est bien connu, est l’âge de la révolte. Révolte contre la famille que l’on trouve pesante avec ses routines et ses obligations ; révolte contre les autorités parentales et leurs normes imposées… Plus généralement, révolte contre la société tout entière qui paraît artificielle, mensongère, manipulatrice. Révolte contre les institutions de cette société : les lois et les normes sociales, les gardiens et surveillants, l’école, ses maîtres et leurs dictats, les médias mainstream hypocrites… Révolte contre tout cet environnement qui limite et qui rend impuissant. Nécessité de trouver du réconfort éphémère et fragile auprès des copains et copines qui ressentent les mêmes sentiments de frustration.
Il faut savoir que cette révolte est liée à des transformations internes physiologiques tenant à la montée d’hormones lesquelles, outre des transformations physiques, crée une déstabilisation psychologique et une sensibilité exacerbée. C’est cet état interne qui permet la fixation dans le cerveau du programme mental que nous allons voir.
Le système des postulats mentaux sur lesquels reposent les activités des ados révoltés est à peu près le suivant :
Ce système, que l’on peut aussi considérer comme un système de croyances, est un construit psychologique très souvent inconscient (certains auteurs appellent cela un « paradigme mental inconscient »). Il est particulièrement important car il est biologico-psychique avec un ancrage mental fort. Il est le fruit des conclusions intérieures implicites que l’enfant, puis l’adolescent tire de la confrontation, vécue péniblement, entre les besoins organiques de sa transformation physiologique et la réalité concrète du monde relationnel et physique. Car, ce monde, de son point de vue, ne lui propose que des limitations et des contraintes.
Cristallisation, enfouissement ou résurgence du programme axiomatique
Comme le dit le grand romancier américain John Irving : « L’enfance et l’adolescence sont formatrices : on n’en sort jamais ». C’est particulièrement vrai avec cette axiomatique qui imprime le psychisme à l’adolescence. Ce système mental va cependant subir des transformations sous l’impact de la maturation physiologique, des apprentissages sociaux et des révélations spirituelles. Outre le cas de son quasi effacement sous des chocs biographiques positifs : rencontres intellectuelles éblouissantes, rencontres émotionnelles fortes, découvertes d’attractions ou d’intérêts existentiels… ; ce système mental va, soit se cristalliser et devenir totalement prégnant, soit être plus ou moins enfoui et passer au second plan, soit, ensuite, resurgir à l’occasion de stimulations du milieu extérieur. Nous allons voir ces différents cas.
Cristallisation du système
Ce système, que l’on peut appeler « système de la rébellion anti-sociale », s’affermit et s’enracine chez certains individus qui ne rencontrent pas les conditions contextuelles humaines permettant sa transformation. La structure de base de l’axiomatique de l’adolescent révolté reste identique et, seules les prémisses de la doctrine se décalent légèrement.
L’axiome 1 : le monde des adultes est pourri, devient : la société est pourrie.
L’axiome 2 : la famille c’est pénible. Leur autorité, je m’en balance, devient : la société et l’autorité sont insupportables.
L’axiome 3 : l’école, c’est ennuyeux et pénible, devient : je ne peux plus supporter cet environnement normé.
L’axiome 4 : je suis impuissant dans ce monde, devient : cette société m’écrase.
L’axiome 5 : je dois penser et faire comme les copains, devient : je dois me rassembler et agir avec ceux qui pensent comme moi.
L’axiome 6 : les informations sur leurs médias sont nases, devient : il faut seulement croire les informations de mes réseaux.
L’axiome 7 : ils nous font croire des choses qui les arrangent. On ne peut leur faire confiance, devient : il faut résister à la propagande d’État et à l’idéologie ambiante.
Ce système de la rébellion est donc un ersatz du système de croyances de l’adolescence. L’axiomatique de base de la révolte adolescente s’est généralisée et durcie. Elle a pris un habillage idéologique qui veut la faire passer pour philosophiquement justifiée : c’est une révolte fondée contre la société pervertie et injuste. Un tel système de prémisses engendre donc obligatoirement des actions de rejet, de refus, de protestation, de désobéissance, d’indiscipline, d’agression…, allant jusqu’aux émeutes déchaînées organisées en sous-main. On trouve donc des casseurs professionnels : black block, zadistes, écureuils, anti-bassines, saboteurs, hackers, saccageurs de culture, écologistes radicaux, incendiaires justiciers, idéalistes fanatiques, politiciens idéologues de révolution sociétale, extrémistes et anarchistes, contestataires professionnels, factieux, criminels et escrocs organisés, experts complotistes des réseaux…, et des influenceurs excitateurs divers, diffuseurs de fake news. Tous ces quasi-terroristes, des radicalisés dans leur axiomatique anti-sociale, sont donc unis dans la détestation de la société dans laquelle ils vivent et dont ils profitent cependant, et sont aussi unis dans le mépris agressif des quidams qui s’y investissent pour la faire progresser ou pour la défendre.
Ces insoumis et rebelles ne sont finalement que des personnes qui mettent en œuvre un substitut rafraîchi du système axiomatique de la révolte adolescente. Leur logiciel mental est omniprésent et a envahi leur vie. Il n’y a que lui qui compte et donne sens à leur existence. Ils survivent dans de petits boulots comme chauffeur-livreur, balayeur, serveur, manutentionnaire…, en attendant l’occasion d’actionner leur structure mentale fondamentale. Leur position rappelle celle des immigrés africains étudiés par le sociologue Jacques Barrou (Travailleurs immigrés en France). Ces immigrés exercent les travaux les plus pénibles et les plus méprisés de nos grandes villes. Ils n’en ont cure car, ce pour quoi ils subissent cette situation, c’est l’attente du hadj, du pèlerinage à la Mecque que leurs économies leur permettront au bout du compte. Alors, ils retourneront dans leurs pays auréolés définitivement de la gloire d’avoir rempli ce devoir sacré. C’est ainsi que se vivent les rebelles anti-société : ils attendent, à court terme, leurs moments de passage aux actes agressifs violents, vécus comme une jouissance extrême ; ils attendent, à plus long terme, le « grand soir » lors duquel ils réussiront enfin la destruction de la société dans l’extase complète.
Résurgence après enfouissement
L’axiomatique psychique de la révolte, de par ses origines physiologiques et psychologiques est donc profondément imprimée dans le cerveau de tous les Hommes. Le déroulement normal de la vie et les expériences biographiques mettent habituellement en place d’autres systèmes axiomatiques. Ces ensembles de postulats existentiels, lorsque les individus ne sont pas psychiquement asservis au système de la révolte, prennent naturellement le pas sur ce logiciel de la rébellion car ils permettent aux individus de répondre plus efficacement aux situations traversées. Mais lorsque surgit une situation émotionnellement et existentiellement traumatisante, l’axiomatique sous-jacente de la rébellion resurgit. L’axiome central désignant la source des réactions (1- La société est pourrie) est remplacé par une autre cause : une décision des autorités, une norme imposée, un événement menaçant survenant, un changement produit, une action psychologiquement blessante…
C’est ainsi que des groupes d’insurgés apparaissent avec leurs mouvements de plus ou moins grande violence : manifestations d’opposition, mouvement des gilets jaunes, des bonnets rouges, occupations, boycottages, sittings, grèves défensives, barrages et blocages, marches et défilés de protestation, émeutes, jacqueries diverses… Le grand cortège des mécontents-révoltés des conditions qui leurs sont faites défile sur nos écrans et réseaux sociaux.
Conclusion
Je pense donc que le logiciel de la révolte avec son axiomatique verrouillée est une constante psycho-physiologique inscrite dans le cerveau des Hommes. La preuve en est que dans les sociétés écrasées par une dictature à idéologie religieuse ou autre, là où les révoltes ne peuvent s’exprimer, les divers tyrans canalisent le fonctionnement de l’axiomatique sur un bouc émissaire : les mécréants, les colonialistes, les ennemis extérieurs ou de l’intérieur, les autres ethnies, les étrangers… Le noyau de l’axiomatique, celui qui désigne la cause première, est alors construit par une propagande appropriée et le peuple, aussi misérable qu’il puisse être, se défoule et s’anesthésie en scandant avec des gestes vengeurs, lors de réunions de masse, l’exécration des fautifs désignés.
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