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Le prestige de l'uniforme

  • amucchielli
  • il y a 2 jours
  • 4 min de lecture
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1-      Une expérience de psychologie sociale

 
Voici une expérience citée par Nicolas Guéguen (Manipulez et séduire, 2018).
 
« Un des partenaires de l'expérience se tenait à côté d'une voiture en stationnement près d'un parcmètre et faisait semblant de chercher de la monnaie dans ses poches. Un deuxième compère se tenait debout à proximité du premier. Selon les cas, le deuxième était vêtu comme un mendiant, comme un cadre ou d'un uniforme de pompier. Il arrêtait un passant et, pointant son doigt dans la direction du premier compère, lui disait : « Cette personne est garée près du parcmètre et elle n'a pas de monnaie. Donnez-lui une pièce ». On imagine le caractère totalement abusif d'une telle demande. Les résultats ont montré que 82% des gens ont fait ce qui était demandé lorsque l'expérimentateur portait un uniforme de pompier ; 50 % lorsqu'il était vêtu comme un cadre et 44% lorsqu'il était vécu comme un mendiant. On a même observé que dans le cas du pompier, ceux qui n'ont pas donné se sont excusés de ne pas avoir de monnaie sur eux alors que dans les autres cas ils se sont plutôt montrés agressifs envers l'expérimentateur. »
 
L’effet de l’uniforme est appelé « effet cravate » par les psychosociologues. Cette dénomination fait référence à l’influence supposée du fait d’être bien habillé. La preuve en étant apportée par le faible résultat de l’injonction : 44% au lieu de 82 %, lorsqu’elle est faite par un mendiant.
 

2- L’autorité morale


Avant d’analyser cette expérience, parlons d’abord de l’autorité morale. L’autorité morale peut être définie comme la capacité d’une personne, d’un groupe ou d’une institution à influencer les comportements, les jugements ou les croyances d’autrui en raison de sa crédibilité éthique, de son intégrité ou de sa cohérence morale. Cette influence s’exerce en s’appuyant sur des normes et des idéaux se référant à des valeurs partagées par ceux qui acceptent cette forme d’autorité. La relation d’un sujet avec l’autorité morale est donc une relation de respect et d’adhésion. L’autorité morale, pour le simple citoyen est normalement placée au-dessus de lui. Ses avis apprécient les conduites par rapport aux normes et aux idéaux. Il est en permanence dans un rôle de juge et de censeur : c’est le rôle du « moraliste ».

3- Le pompier et la norme morale du « secours à son prochain »

 
On peut proposer une tout autre interprétation de l’expérience citée. Cette expérience concerne donc un homme « en uniforme ». C’est alors que l’on parle de l’influence du « prestige de l’uniforme » (ou de « l’effet cravate »).
Si on décortique cet « effet prestige », on s’aperçoit qu’il prend sa source dans ce que représente cet uniforme (sa symbolique). L’uniforme représente une autorité morale sociale, car le pompier fait partie d’une corporation créée par la société pour défendre ses membres contre des épreuves dramatiques : incendie, accident, noyade, blessure, chute … Le pompier est porteur de la norme très honorable du « secours à son prochain ». C’est pour cela qu’il est respectable et que, dans l’expérience citée, les personnes lui confèrent une « autorité » (morale en l’occurrence). Nous tenons là l’essence du fameux « prestige de l’uniforme ».
 
On peut voir une preuve de la relation d’une norme morale collective avec l’uniforme des pompiers lorsque les enfants rebelles des banlieues à problèmes, caillassent les voitures des soldats du feu venant éteindre les incendies de voitures. Les journalistes nous disent bien qu’ils rejettent ainsi un symbole fort de la société et que bruler les véhicules incarne aussi leur répulsion de la société de consommation dont ils sont exclus. Mais, ce faisant, ils s’opposent aussi fortement à la norme morale portée par les pompiers :  la solidarité de la société envers ses victimes d’épreuves. Car, pour eux, cette société ne fait rien pour leurs propres calvaires. Leur agression est donc surdéterminée et leur rage bien fondée.
 

4-  Les porteurs d’uniformes

 
En effet, tout uniforme renvoie à une appartenance à un groupement social fondé par le corps social tout entier et porteur de normes sociales positives. Les chauffeurs de bus, les contrôleurs SNCF, les agents de sécurité, les surveillants de plage, les gardiens de parcs, les secouristes … et, bien entendu les gendarmes et les militaires, toutes ces personnes, porteuses d’un uniforme, représentent une entité supérieure respectable et, de plus, ils ont un rôle de gardien d’une norme collective assurant un certain bien être des personnes dont ils ont l’encadrement.
 
Si on respecte ces uniformes et que l’on se place en position « basse » par rapport à leurs porteurs, ce n’est pas directement à cause de leurs habillement (l’effet du prestige), mais à cause des normes sociales dont ils sont les représentants. Lorsqu’on est confronté à une autorité morale reconnue par nous, on est dans une sorte de relation de dépendance puisque l’on est attaché aux valeurs que représente cette autorité. On assume cette allégeance et tout manquement nous met mal à l’aise. C’est pour éviter ce sentiment pénible et pour être fier de faire valoir nos valeurs que l’on accepte la pression morale exercée.
 

5- Le rejet de la norme liée à l’uniforme

 
Certaines personnes, face aux uniformes des gendarmes, des policiers, des militaires, rejettent la norme sous-jacente à l’uniforme. C’est le cas pour la jeunesse révoltée qui refuse les interventions des policiers et veut manifester « librement » ; c’est le cas pour les idéalistes pacifistes qui refusent l’idée de défense armée et qui veulent « la paix pour tous » …
 
 
 
 

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