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Ils nous manipulent

Les nouveaux penseurs


Une petite frange des élites intellectuelles de notre société nous manipule en permanence et veut nous imposer ses manières de penser et de voir les choses. Cette frange élitiste est composée d'universitaires, d'écrivains, de journalistes, de politiques dits engagés, de prosélytes de causes sociales, environnementales ou autres. Comme toutes les minorités, ces experts autoproclamés sont très actifs, ils saturent les médias, sont de toutes les manifestations et pétitions et finissent par imposer leurs vues à la grande masse des personnes non "combattantes". Je voudrais mettre en lumière une de leurs stratégies favorites de manipulation basée sur la dénonciation du sous-jacent.


La première technique de la déconstruction des évidences


Dans un article précédent, j'analysais la première stratégie manipulatrice de ces nouveaux penseurs : la déconstruction de toute idée raisonnable et de tout fait avéré, à travers la mise en scène permanente de débats contradictoires sur les médias d'information continue.


La déconstruction philosophique inventée et proposée par Heidegger : est "une opération intellectuelle ayant pour objet de démonter une tradition de pensée concernant un concept philosophique". Cette opération permet de se réapproprier des possibilités impensées ou oubliées du concept et d'entreprendre sa refondation sur des bases saines retrouvées. La déconstruction philosophique est donc un travail intellectuel qui permet de "penser mieux", d'aller plus loin dans la réflexion et la définition des concepts.


Dans le langage des nouveaux penseurs, la déconstruction a changé de sens : c'est désormais une opération de critique intellectuelle s'apparentant à une sorte de concassage d'une idée socialement partagée, d'un concept communément admis..., et de tout ce qui repose sur une compréhension sociale culturelle, pour aboutir à trouver une définition cachée, opposée et contradictoire avec ce qui était ordinairement admis. Ce concassage des idées procède d'une option idéologique de départ : c'est l'idée que tout ce que qu'on nous propose ("on", c'est-à-dire : la société, la culture commune, les groupes majoritaires, les experts, les scientifiques, les paroles banales, les récits institutionnels ou venant des autorités...), tout cela est biaisé et faussé par des prémisses et des données de base enfouies derrière les propositions. Il convient donc d'abord de dénoncer la fausseté de la compréhension banale commune de ce qui est proposé ; il convient ensuite de proposer une nouvelle compréhension à l'opposé de ce qui est admis.


La deuxième technique de la dénonciation des non-dits sous-jacents


La deuxième technique manipulatoire dont je vais parler trouve une de ses sources principales dans la thérapie systémique de l'Ecole de Palo Alto (et non dans les écrits de Derrida, de Foucault de Baudrillard, de Lyotard ou d'autres auteurs postmodernes de la "French Theory"). L'idée essentielle est que pour manipuler les gens, leur faire changer de conduite, il faut leur montrer que le contexte dans lequel ils croient être n'est pas le bon contexte. Dans le bon contexte qu'on leur révèle, leur conduite a une signification à laquelle ils n'avaient pas pensé, donc ils doivent en changer pour ne pas être manipulés. C'est du grand art : être manipulé en croyant résister à une manipulation. C'est pour cela que cette technique est difficile à dénoncer dans le cours rapide d'une discussion.


Exemple : sur le parking d'un supermarché, vous (un homme), croyez aider une dame que vous voyez en difficulté pour mettre des sacs de pellets dans le coffre de sa voiture ; mais ce n'est pas du tout dans un contexte d'aide aimable et de civilité que vous vous trouvez : vous reconstruisez -car vous êtes prisonnier de votre culture machiste- un contexte d'infériorisation et de domination masculine et vous enfoncez cette dame dans un stéréotype de faiblesse féminine qui entraine chez elle toute une fausse vision dite "féminine" des choses. Vous êtes un vil manipulateur.


L'expérience première : la guérison systémique des phobies


D'après Nardone (in : P. Watzlawick et G. Nardonne, Stratégie de la thérapie brève, Seuil, 1997), le processus de thérapie que je vais rappeler a été appliqué à plus de 1500 cas de sujets atteints de phobies diverses et dans 70 % des cas cela a abouti au déblocage de la pathologie. Les malades phobiques arrivent à la deuxième séance de thérapie en mentionnant ne plus avoir demandé d'aide et en déclarant avoir commencé à faire des choses précises tout seuls en se rendant compte qu'ils y arrivaient sans problèmes.

Dans le cas d'une maladie phobique, l'objet de la phobie envoie son interaction de peur (1) au malade. Le malade demande de l'aide (2). La réponse de la personne aidante est une aide et une protection (3). Le système des échanges est simple et peut se représenter comme ci-dessus.



Le thérapeute intervient et dit au malade : "je voudrais que vous pensiez que chaque fois que vous demandez de l'aide et la recevez (pour lutter contre la phobie), vous recevrez en même temps deux messages : l'un, évident, est "je t'aime, je t'aide et je te protège" ; le second, moins évident, mais plus subtil et plus fort, dit : "je t'aide parce que tout seul tu ne peux pas le faire, parce que tu es malade."


Le thérapeute dénonce donc l'aide car il y a un message sous-jacent qui enferme le malade dans sa phobie. En effet, dit-il, il y a des interactions cachées faites par la personne aidante. À travers l'aide apportée elle renforce toujours la dépendance du malade puisqu'il faut passer par elle (3) et, en même temps, cette aide énonce qu'il ne peut pas s'en sortir seul puisqu'il a besoin de l'aide (3). Dans le nouveau contexte défini par les nouvelles interactions sous-jacentes révélées par le thérapeute, le jeu devient un jeu du blocage de la maladie. Le rôle de la personne aidante est redéfini : elle organise l'enfermement dans la maladie. Elle n'est donc pas aidante, bien au contraire.



Par ailleurs et aussi le thérapeute insiste dans la séance de thérapie pour dire au malade qu'il ne peut pas encore, dans son cas, demander de l'aide : donc il lui annonce (en sous main) qu'il est enfermé dans sa phobie. Or, le malade a la volonté de se guérir de cette phobie puisqu'il est venu en consultation. Donc le malade va transgresser la proposition du thérapeute : il va refuser l'enfermement, ainsi il ne va plus demander l'aide qui déclenche cet enfermement et va s'en sortir tout seul.


Il y a là, évidemment, une manipulation. La personne aidante apporte et veut réellement apporter de l'aide. Le stratagème verbal du thérapeute invente un discours caché qui n'est pas du tout présent. Il fait une interprétation qui semble "plausible". Pourquoi pas, se dit le malade qui fait confiance aux connaissances du thérapeute.


Détruire la société pour mieux la refonder


Comme dans la thérapie systémique de la phobie, les nouveaux penseurs nous assurent que ce que nous pensons, ce que nous faisons..., contient du non-dit et des injonctions impensées qui fabriquent pour les autres une situation qui n'est pas celle que nous croyons. Nous sommes des manipulateurs. Il convient donc que nous sortions de notre fausse situation dans laquelle, comme pour le phobique, nous sommes enfermés. Il faut que nous nous "réveillions" (que nous devenions "Woke"), et que nous pensions et nous comportions autrement. Évidemment, les nouveaux penseurs inventent les discours cachés qui ne sont pas du tout présents dans nos activités et nos pensées. Ils font une interprétation qui semble "plausible". Ils nous abusent à travers leurs positions d'intellectuels "éveillés" (qui ont mieux compris les choses que nous).


Évidemment, aussi, leur jugement péremptoire est culpabilisant : nous croyions penser normalement, agir normalement..., mais tout ceci est faux. Dans ce que nous pensons, il y a autre chose de condamnable, dans ce que nous faisons, il y a aussi des injontions cachées répréhensibles. Notre bonne foi est surprise et notre pensée est troublée. Le balancement entre ce que nous croyions et ce qui serait la réalité cachée nous met dans un état mental proche de l'hypnotisme. C'est exactement le but recherché par les nouveaux penseurs : ils veulent s'assurer de notre passivité pour tranquillement prendre les commandes des institutions de fabrique des règles sociales : les médias, les écoles, les éditions, les Universités, les centres de formation, les grandes entreprises d'Etat... Plus besoin de révolution du genre de celle de 1789, trop de risques, trop de violence. Ils changeront la société en douceur. Mais après nous verrons ce que sont vraiment ces nouveaux penseurs lorsqu'ils se mettront à construire la société idéale selon eux (cf., par exemple, Simon Leys, Les habits neufs du président Mao, Editions Gérard Lebovici, 1987).


Décodons les propos des éveilleurs et devenons aussi "woke" à leurs discours


Chaque fois qu'un de ces nouveaux penseurs auto-proclamés prétend nous révéler une vérité cachée sous nos actions ou sous nos propos, demandons-nous quelles opérations dissimulées existent sous l'interprétation proposée. Il y a d'abord une dévalorisation de nous : nous ne serions pas capables de comprendre le sens des choses et aussi nous ne serions incapables d'être sensibles à toutes les formes d'inégalités que rencontrent les minorités. Bref nous serions non seulement des imbéciles, mais aussi des êtres amoraux et égoïstes. Derrière leurs propos, il y a aussi la volonté de nous imposer leur vision militante et biaisée du monde. Derrière leurs propos il y a encore, comme je le disais précédemment, la volonté occulte de paralyser nos actions et notre propre jugement pour mettre en place leur domination. Donc, pas de complexes à sourire devant les "éveilleurs".

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