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Le management dans "l'entreprise apprenante"


Résumé

L'apprentissage organisationnel (dans l'entreprise et par les membres de l'entreprise), est une des composantes de toute entreprise. "L'entreprise apprenante" apparaît comme une entreprise idéale qui aurait particulièrement développé cette dimension à travers la mise en œuvre, à tous les niveaux, de diverses formes de travail en groupe. Son système de valeurs particulier est centré sur l'innovation et le collectif.

1- Qu'est-ce qu'une entreprise apprenante ?

Le concept d'entreprise apprenante apparaît dans les années 90-2000 dans les écrits de Chris Argyris et de Peter Senge. En résumé, une organisation apprenante est une organisation qui apprend de son expérience et tire les bénéfices des compétences nouvelles qu’elle acquiert à travers les interactions entretenues avec son environnement et entre ses membres.

À ce compte là, le concept n'est pas révolutionnaire. Il consiste simplement à mettre l'accent sur une des capacités des entreprises qui est de se développer en permanence, en interaction avec son écosystème, pour faire face à son environnement à partir des multiples compétences -de divers niveaux- qu'elle cultive et met en œuvre. On peut, en effet, dénommer cela de "l'apprentissage organisationnel", bien que d'autres spécialistes l'aient appelé "adaptation permanente" ou " flexibilité" ou encore : entreprise avec un "éco-management"... Le concept ne fait que définir -implicitement- un continuum qui va de l'entreprise bureaucratique-verticale et figée dans des règlements à la start-up-à leadership démocratique et innovante dans tous ses processus internes. Ce continuum est dans la tête de tous les spécialistes en management depuis les formalisations faites par Mintzberg (1985) dans ses descriptions des types d'organisations et d'exercice du pouvoir.

Echelle : de l'entreprise bureaucratique à l'entreprise apprenante

2- Quelles sont les conditions pour qu'une entreprise soit "apprenante" ?

Que nous dit Jacques Chaize dans la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=K2YLM8hTtxQ ?

Pour faire une entreprise apprenante un certain nombre de conditions doivent exister :

Au niveau individuel :

  1. Les membres de l'entreprise doivent avoir envie d'apprendre.

  2. Ces membres doivent être capables de remettre en cause leur schémas mentaux et manières habituelles de penser.

Au niveau collectif :

3. Il faut avoir confiance dans l'apprentissage collectif se faisant à travers les échanges avec les autres, il faut donc aussi savoir échanger, discuter et comprendre les expériences des autres.

4. Pour apprendre en équipe, à travers les échanges, il faut savoir pourquoi on apprend et, donc, avoir une vision partagée de l'objectif poursuivi par l'entreprise.

5. Il faut savoir analyser d'une manière systémique le contexte de l'entreprise : les évolutions et les réactions de l'environnement.

A partir de ces conditions énoncées, nous pouvons faire un tableau listant les qualités demandées aux membres de l'entreprise.

Qualités des membres d'une "entreprise apprenante"

Si l'on passe en revue les éléments de la colonne de droite de ce tableau, on s'aperçoit de l'énorme responsabilité du management dans la construction d'une entreprise apprenante. En effet, la réalisation des qualités faisant face aux conditions 1, 3, 4 et 5 sont très largement dépendantes des performances du management. C'est le management qui doit donner l'envie d'apprendre, c'est la management qui doit créer les conditions de la confiance dans l'apprentissage collectif, c'est le management qui doit donner la "vision" et former aux outils d'analyse systémique.

3- Quelques processus d'apprentissage de l'entreprise apprenante

Pour David A. Garvin (Harvard Business Revue, juin-juillet 1993) une organisation apprenante peut mettre en œuvre concrètement cet "apprentissage organisationnel" en développant des activités essentiellement fondées sur le travail en groupe à tous les niveaux de l'entreprise et, si possible, avec des entrelacements de participation des différentes niveaux entre eux. On retrouve cette idée plus développée chez Gilbert J.B Probst et Bettina S.T. Büchel (Pratique de l'entreprise apprenante, éd. d'Organisation, 1995).

Dans la véritable entreprise apprenante, toutes les formes de travail en groupe sont utilisées et maîtrisées, par les membres de l'entreprise et par les responsables, grâce à des formations suivies ou à travers l'intervention de spécialistes extérieurs qui animent et analysent le travail de groupes spécifiques : analyse d'activités et définition des activités stratégiques, résolution de problèmes, analyse des retours d'expérience, analyse d'incident critique, prise de décision collective, brainstorming, conduite de projet, groupe qualité...

Les groupes de co-développement

Un groupe de co-développement réunit des collaborateurs pratiquant le même métier. Le but du travail collectif est d'aider un des participants à résoudre un de ses problèmes de travail. La réflexion du groupe suit une procédure bien précise : le membre du groupe concerné expose son problème, puis ses divers collègues lui posent des questions de clarification du problème, puis, le membre aidé formule précisément sa demande d'aide. Les autres membres font alors part de leurs idées, de leurs réflexions et propositions. C'est ensuite, à la fin de cette phase d'aide que le membre aidé fait la synthèse de ce qu'il a retenu et formule son plan d'action.

Le retour d'expérience

Le travail d'un tel groupe vise à capitaliser les leçons à tirer des réussites ou des échecs de diverses opérations faites. La encore, sous la conduite d'un animateur, le groupe de travail suit une procédure rodée : reconstitution de l'événement, remise en contexte, énoncé de la structure de l'incident, rappel des objectifs et des enjeux de l'événement analysé, analyse des signaux avant-coureurs, recueil des pratiques ayant eu lieu, analyse des conséquences..., leçons à tirer, procédure nouvelle à mettre en œuvre...

La technique du métaplan

On peut la présenter en 6 étapes.

1°) On réuni un petit groupe de spécialiste sur la question à traiter et on lui pose une question ouverte et large sur le problème.

2°) On anime le groupe selon la technique spécifique métaplan.

- 30 secondes par personne pour exprimer une idée,

- toutes les idées sont notées sur des cartes rectangulaires par l'animateur et son aide et épinglées sur le panneau (une carte par idée),

- l'animateur s'efforce d'organiser visuellement les idées émises à travers leur disposition sur le panneau : rapprochement par affinité de contenu (mettre un titre sur une carte ronde mise au-dessus des cartes), éloignement, emboitement (les cartes sont mises les unes en dessous des autres)...,

- les critiques des idées sont aussi notées avec un signe "éclair" et mises à coté de l'idée critiquée sur le panneau,

- l'animateur revient ultérieurement sur les critiques et note les arguments et contre-arguments sur des cartes ovales disposées en dessous des cartes rectangulaires,

L'animateur et son aide organisent donc la visualisation de la discussion et de la production des idées.

Tableau présentant quelques méthodes de travail en groupe

4- Quelles sont les compétences demandées à la hiérarchie ?

La hiérarchie de "l'entreprise apprenante" maîtrise et applique de très nombreuses techniques de travail en groupe : techniques de l'animation, techniques du méta-plan, techniques du co-développement, techniques du brainstorming et des autres méthodes de créativité, techniques de l'interview de groupe, technique du groupe nominal, techniques de prospectives (technique des scénarios, technique d'analyse des tendances, technique Delphi...), techniques d'analyse des causes d'erreurs (diagramme des causes, diagramme d'Ishikawa ou des 5 M...), technique des incidents critiques, techniques de team building, techniques de motivation collective, techniques du management de la qualité, technique du groupe d'expression...

Les travaux en groupe, l'existence de groupes projet, les projets de service ou d'entreprise..., sont des manières de travailler qui existent dans de nombreuses organisations mais elles ne sont pas nécessairement mises en œuvre de façon systématique. Nous savons très bien pourquoi le travail en groupe permet l'apprentissage organisationnel. Ce type de travail collectif permet à tous les participants de faire évoluer, non seulement leurs connaissances opérationnelles, mais aussi la "carte cognitive" collective, servant à de nouveaux apprentissages.

Du point de vue des connaissances opérationnelles, en échangeant, en collaborant, en trouvant ensemble des réponses à leurs questionnements, c'est-à-dire en interagissant de multiples manières, les membres d'un groupe de travail s'enrichissent par l'échange. C'est le social learning classique : on apprend en écoutant ses pairs, en prenant connaissance de leurs expériences, en intégrant leurs savoirs... Les apports d'informations, les analyses..., des uns et des autres, se proposent donc comme des ressources cognitives extérieures qui sont captées et intégrées à l'élaboration de la nouvelle connaissance de chacun qui, de plus, est alors partagée.

Du point de vue du cadre de référence, il y a aussi une co-construction. Elle concerne de nouveaux référents mentaux et psychologiques communs : des règles de pensée, des principes intellectuels, des procédures de raisonnement et des valeurs. Ces éléments sont des sortes de conclusions qui découlent du travail intellectuel fait en groupe. C'est dans cette dernière co-construction que les spécialistes de l'entreprise apprenante voient l'apport principal des travaux de groupe. Il y a alors "apprentissage du 2ème degré", car le système de base servant aux apprentissages, la "carte cognitive" commune, est modifiée. Certains disent, pour être plus parlant, que le "logiciel" de l'entreprise évolue. Cette évolution est constante et adaptée aux réalités.

Mais de tels apprentissages ne se font pas dans n'importe quelles conditions. Bien au contraire, ces conditions sont nombreuses, mais simples. Elles concernent le relationnel interne et les personnalités individuelles.

5- Les 2 conditions fondamentales pour qu'une entreprise soit "apprenante"

1°) La confiance à tous les étages

Au niveau du relationnel interne, il faut d'abord de la confiance :

  • confiance interpersonnelle entre les membres de l'entreprise (personne ne va profiter pour lui seul du travail, tout le monde a du respect pour les compétences des autres) ;

  • confiance dans les procédures de travail collectif (l'expérience montre qu'elles réussissent, que l'on trouve ainsi les bonnes solutions, on sait que ces procédures donnent à chacun les occasions de s'exprimer, de se perfectionner...) ;

  • confiance dans les chefs de groupes, les animateurs et la hiérarchie (qui sait animer, sait faire respecter les règles du jeu, sait être altruiste, a des compétences au leadership) ;

  • confiance dans la hiérarchie (qui est acquise au travail collectif ; qui facilite le travail des groupes et des projets, qui respecte les conclusions apportées ; qui sait, elle-même animer efficacement) ;

  • confiance dans l'entreprise (dont on accepte les objectifs, dont on approuve le cadre de référence).

Cette confiance primordiale entraîne l'engagement de chacun : chacun a la volonté d'apporter ses compétences ou son savoir au collectif ; chacun se sent partie prenante des avancées collectives ; chacun en est le porte parole et le défenseur ; chacun est motivé par son travail dans une telle entreprise.

2°) Un état d'esprit ouvert et prospectif

Au niveau des personnalités individuelles : il faut des personnalités ouvertes avec un état d'esprit entreprenant : des personnes qui pensent que les significations de l'effort, de l'échec, de l'épreuve, de la difficulté, de la critique, du challenge, du foisonnement des idées..., sont positives. Dans cet état d'esprit, tout est bon pour apprendre et progresser car les capacités d'une personne ou d'un groupe ne sont jamais à leur maximum. On peut toujours les perfectionner (Changer d'état d'esprit. Une nouvelle psychologie de la réussite, Carol S. Dweck, 2010). Évidemment, chacune de ces personnes possède une bonne capacité d'écouter, d'intégrer et de dépasser les apports des autres.

Si ces conditions nécessaires sont exigeantes, il nous faut remarquer que de très nombreuses entreprises, sous l'impulsion de dirigeants volontaristes et visionnaires, ont développé au maximum leur dimension : "entreprise apprenante". Gilbert J.B Probst et Bettina S.T. Büchel, à eux seuls, en citent plus d'une trentaine. Devenir une "entreprise apprenante" est donc loin d'être impossible.

Conclusion : des valeurs partagées exigeantes

On l'aura compris, "l'entreprise apprenante" possède un système de référence (ou une "carte cognitive" collective), fondé sur un certain nombre de valeurs typiques de l'ouverture au monde et de la pro-activité. Ces valeurs sont :

  • l'innovation,

  • l'adaptation permanente,

  • la participation,

  • le travail en groupe,

  • la communication,

  • la transparence,

  • l'implication,

  • le progrès,

  • la réussite collective.

En fait, on s'aperçoit que les membres de l'entreprise apprenante ont une idéologie du travail en groupe, du progrès collectif et de l'ouverture aux autres. C'est cet état d'esprit qui leur permet de modifier leur logiciel interne d'appréhension du monde et d'apprendre ensemble.

À l'énoncé de ces valeurs, on a bien l'impression d'évoquer une entreprise idéale. Il y a là le danger de faire encore appel à une utopie récurrente : le mythe de l'entreprise idéale, déjà décrite par Charles Fourier dans "l'Harmonie universelle et le phalanstère" (1869).

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