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Critique vaine du management


Le management serait "une technologie périmée". Voilà l'idée « révolutionnaire » que l'on lit dans « Competing for the futur », ouvrage de Gary Hamel, le « plus grand spécialiste mondial en stratégie d'entreprise », selon Business Week. Hamel fait une comparaison entre le management traditionnel et le moteur à combustion interne. Il s'agit, selon lui, d'une technologie qui a largement cessé d'évoluer. « La plupart des techniques et des outils essentiels du management moderne ont été inventés par des individus nés au XIXième siècle, peu de temps après la fin de la guerre de Sécession ».

Dans son ouvrage : « Ce qui compte vraiment » (éditions Eyrolles), Hamel nous propose cinq principes clés pour mettre en œuvre un management adapté à notre temps :
1- retrouver de vraies valeurs éthiques et s'appuyer sur elles,
2- se centrer sur l'innovation et la mise en place de processus d'innovation eux-mêmes centrés sur la liberté accordée aux collaborateurs,
3- l'adaptabilité permanente qui est la chasse aux rigidités, aux habitudes et aux manières de faire traditionnelles,
4- la culture de l'initiative, de l'engagement et de la passion dans la réalisation de toute chose, car : « le problème aujourd’hui n’est pas un manque de compétence mais d’ardeur »,
5- la limitation des contrôles, la chasse aux biais cognitifs, la bureaucratisation des prises de décisions allant avec la déresponsabilisation des collaborateurs (tout ceci apparaissant comme des « taxes de management »).
Si l'on considère attentivement ces principes, on voit qu'il s'en dégage deux idées essentielles :
1°) il faut fonder le management sur des valeurs vraies, c'est-à-dire morales d'abord et, ensuite en accord avec les exigences de la modernité : l'innovation, la liberté, l'adaptabilité, l'initiative, l'engagement, la passion et la responsabilité ;
2°) la mise œuvre de ces valeurs doit se faire avec un esprit d'ouverture et d'aventure permettant justement leur respect : refus des habitudes de faire ou de penser, des rigidités, des routines, de la bureaucratie et des contrôles outranciers.
Si l'on accepte ces idées, le management n'apparait pas alors comme une « technologie périmée ». C'est une vraie technologie, c'est-à-dire un ensemble d'outils, qu'il faut utiliser, mais alors utiliser avec une certaine attitude d'ouverture et d'aventure et qu'il faut asseoir sur un ensemble de valeurs, en complet accord avec cette attitude, elle-même en accord avec l'esprit du temps et avec les principales attentes des collaborateurs des générations Y et Z (refus des contraintes, attente de liberté, goût de l'innovation, exigence de respect...).

Je prends alors pour exemple de démonstration de ces idées, un des derniers outils de management imposés par le droit du travail français : l'entretien de bilan et d'évolution professionnelle.

C'est une contrainte assez bureaucratique, avec des règles précises à respecter (tous les 2 ans, compte-rendu signé par le collaborateur et le manager, bilan tous les 6 ans...). Son objectif est assez tourné vers le collaborateur : il s'agit de faire le point sur le projet personnel d'évolution du collaborateur et d’identifier avec lui les axes de développement possibles de ses compétences et les éventuelles actions de formation à mettre en œuvre dans cette optique. Les différents organismes de consultance, de formation, d'audit..., ont aussitôt sorti des « guides de l'entretien de bilan et d'évolution professionnelle ». Ces guides sont à considérer comme des outils de management à intégrer dans un ensemble plus vaste qui serait la boite à outils constitutive de la « technologie du management ». Ces guides présentent les objectifs de l'entretien, proposent des questionnaires pour la préparation de l'entretien à la fois par le collaborateur et le manager, ils prodiguent des conseils sur les étapes de l'entretien et les bonnes manières de conduire le dialogue : accueil, écoute, discussion, bilan, validation de la fiche de synthèse.

Voilà donc un instrument qui peut rester parfaitement bureaucratique, contraignant et inefficace. Mais voilà aussi un instrument qui, utilisé avec l'état d'esprit prôné par Hamel, peut devenir un outil adapté au management moderne : c'est-à-dire centré sur des valeurs éthiques (humanisme, respect de la personne, volonté réelle d'aider...) et mettant en œuvre d'autres valeurs fondamentales comme l'innovation, la liberté, l'adaptabilité, l'initiative, l'engagement, la passion et la responsabilité. Pour ce faire, le manager doit faire de cet entretien une occasion de connaître et de motiver son collaborateur en lui ouvrant des pistes pour lesquelles les efforts qu'il fera donneront du sens à son travail. Il met alors en œuvre son attitude d'ouverture : il laisse parler, il intervient légèrement en suggérant des idées véritablement aidantes, il approuve fortement tout ce qui demande de l'engagement de la part de son collaborateur... En bref, il fait de cette obligation légale un instrument performant de management moderne. Le collaborateur est aidé dans sa réflexion sur son avenir qui peut s'inscrire, pour son plus grand profit, dans les perspectives de développement de l'entreprise (sur lesquelles le manager, par ailleurs, doit avoir des idées claires en travaillant sur l'innovation et l'adaptabilité).

Le management n'apparait pas comme une affaire de technologie périmée ou non périmée. C'est une affaire d'état d'esprit et de manière de faire.

C'est pourquoi, désormais, les entreprises cherchent de plus en plus des managers qui soient des « leaders », c'est-à-dire des personnes qui « ont la manière » d'entrainer, de faire accepter des valeurs et ... d'utiliser les outils classiques du management : réunions de travail, entretiens divers, coaching, régulation...

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