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Motivations profondes et motivations de surface


La recherche des "motivations" est une des constantes des recherches en psychologie. Tous les ans paraissent une centaine d'ouvrages et d'articles sur les motivations : preuve que les problèmes de leur définition, de leur origine, de leur influence et de leur utilisation ne sont pas résolus. Dans cet article, je vais m'appuyer sur les découvertes de grands psychologues (Freud, Adler, Laing, Hesnard...), pour mettre en évidence deux niveaux d'existence des motivations : un niveau dit "profond" et inaccessible, lié à l'imprégnation affective due aux situations de l'enfance et un niveau dit "de surface" et visible, lié aux solutions comportementales personnelles que chaque individu trouve pour répondre à ce qui l'a marqué dans son enfance.



I- Motivation de surface et motivation profonde : un exemple


Voici un homme surprenant : il recherche, à travers tout ce qu'il fait, l'exploit, la visibilité, l'admiration... Sa motivation permanente semble être de se faire remarquer par sa hiérarchie et par ses collègues. Il possède donc un don pour trouver des façons originales de faire les choses. Cela ne plait pas toujours à son entourage, mais lui en est ravi. On voit bien que sa volonté de surprendre est un des moteurs de son existence.


Les psychologues connaissent bien ce type de conduite : ils appellent cela le complexe spectaculaire : l'individu recherche en permanence à se mettre en vedette, à se faire remarquer et admirer : c'est sa motivation de surface.


Le père de notre homme est un industriel très connu, inventeur de process qui ont fait la fortune de sa société. Il a considéré et considère toujours son fils comme un rejeton peu capable (ce fils est cependant sorti major de polytechnique). Ceci par rapport à sa sœur ainée, adulée par ce père et parée de toutes les vertus. Sa sœur ainée a toujours protégé ce petit frère et poussé son père à repérer ce qu'il faisait de surprenant. Elle attirait l'attention de ses parents sur ce petit frère délaissé et un peu méprisé.


Vous avez donc compris le mécanisme de la formation des conduites typiques et répétitives de cet homme. Au départ, dans son enfance, il y a une situation de relégation de la part de son père. Or ce père est admiré. L'enfant recherche donc l'attention de ce père qui ne peut rien lui donner. Cette quête, c'est sa motivation profonde. Il découvre qu'en faisant des choses surprenantes, sa sœur peut l'aider à attirer le regard de son père. Il trouve ainsi une solution générale à son désir de reconnaissance frustré. Ses conduites spectaculaires, destinées à être repérées, se forgent donc, cela devient sa motivation de surface. C'est ce type de conduite qui va rester définitivement ancré en lui et qu'il va rejouer sans arrêt en recherchant le regard des autres.



II- Les expérimentations naturelles des psychologues


D'une certaine manière, tous les grands noms de la psychologie ont mis l’accent sur telle ou telle situation particulière de l’enfance en montrant comment, si elle était vécue d’une manière plus ou moins traumatisante, elle entraînait des perturbations définitives des conduites face aux situations de la vie. On peut considérer que leurs études sont autant d'expérimentations sur l'origine et la formation des motivations.


1- Sigmund Freud et l'autorité

La situation de départ

Pour Freud, la vie de tout humain est marquée, dans son enfance, par une situation fondamentale problématique toujours rencontrée : la situation œdipienne. La situation œdipienne, c'est la situation affective de l'enfant, de trois à cinq ans, qui voit apparaître des désirs amoureux envers le parent de sexe opposé et, d'autre part, une hostilité jalouse, avec vœux de mort, envers le parent de même sexe.


La solution trouvée

La rencontre de cette structure de situation typique pose un problème fondamental quant à sa résolution. La manière dont a été résolue (ou non) cette situation, imprègne le psychisme, structure la vie affective ultérieure et détermine, en conséquence, les conduites face à l'autorité, à la collaboration avec les autres, aux relations affectives, aux relations sexuelles, etc. Les conduites ayant permis la résolution de la situation deviennent les motivations de surface de la personne adulte.


2- Margaret Mead et l'affirmation de soi

La situation de départ

On doit à Margaret Mead d’avoir la première mis en évidence une situation anthropologique et typique vécue par tous les petits garçons. Le petit garçon, dans son rapport privilégié des premiers temps avec sa mère, s'aperçoit qu'il est différent de cette mère. Ceci à la différence de la petite fille qui peut très vite s'identifier à sa mère et dont l'accomplissement trouve alors en elle l'image de sa réalisation. Le petit garçon, pour exister, doit par contre se différencier de sa mère. Il doit créer son identité en dehors d'elle. C’est donc en réaction à la situation vécue et prégnante de son enfance que le besoin d’affirmation de soi serait plus fort chez les hommes que chez les femmes.


La solution trouvée

Face à cette situation, le petit garçon tire une conclusion psychologique du genre : « II faut que je fasse mes preuves pour être ». Il invente alors des conduites qui lui permettent de réaliser ces preuves. Après quelques essais, il trouve un type de conduites performant qui va devenir une constante de son comportement : c'est sa motivation de surface.


3- Alfred Adler et l'infériorité

La situation de départ

Pour Adler, la situation fondamentale de l'enfance, laquelle marque définitivement tous les enfants, est la situation d'infériorité. En effet, l'enfant est toujours dépendant, faible, livré sans défense aux manipulations des adultes. Il éprouve donc un « sentiment d'infériorité ». La motivation profonde de l'enfant liée à cette situation est alors de ne pas se sentir inférieur.


La solution trouvée

Adler met en évidence la faculté de « compensation » que possède un organisme diminué (ceci est à mettre en relation avec la notion de « résilience » contemporaine). L'organisme diminué fait toujours un effort vital pour surmonter son insuffisance ou son anomalie fonctionnelle. La lutte pour la supériorité ‑qui est donc une compensation au sentiment d'infériorité intégré dans l'enfance- se manifeste de manière différente chez chacun : nous aurons là les motivations de surface des individus. Elles dépendent de la solution trouvée par chacun.


4- Ronald Laing et le rôle fixé dans la famille

La situation de départ

Pour les antipsychiatres comme Ronald Laing ou Eric Berne, dès sa naissance, l'enfant se trouve prisonnier d'un système de relations mis en place par sa famille. Dans ce système, la famille lui assigne un rôle. Jouer ce rôle devient sa motivation profonde. Ce qui marque l'individu, ce qui s'imprègne en lui, « ce sont des systèmes de relations et non pas simplement des objets ».


La solution trouvée

Il n'y a pas chez les antipsychiatres d'invention d'une solution échappatoire : l'adulte rejoue des rôles appris. Le système des rôles familiaux est intériorisé par l'enfant et celui-ci cherche ensuite à transposer à d'autres situations ce qu'il a intégré dans son enfance. La source des motivations est alors définie comme un ensemble de systèmes privilégiés d'interactions avec le monde : le meilleur de la famille, l’entraîneur, le boute-en-train... La motivation de surface est alors la mise en œuvre de ce rôle que l'environnement permet.


5- Karen Horney et la défiance

La situation de départ

Pour une socio-psychanalyste comme Karen Horney, notre culture actuelle propose aux hommes un type de situations très précis et prégnant. Cette situation typique est structurée par les éléments suivants : « la compétition, la mise en échec et la défiance réciproque avec nos semblables ». Ce type de situations crée d’abord chez tous les hommes, une « anxiété interactionnelle de base ». En effet, pour cette psychanalyste, face à ce type de situations que lui propose sans arrêt sa culture, notre contemporain acquiert la peur de l'échec dans ses relations affectives (motivation profonde).


Les solutions trouvées

Pour faire face à cette situation typique, l'homme a développé des « attitudes névrotiques ». Névrotiques parce que ne participant pas de sa « vraie nature » et le rendant donc mal à l'aise. Ces attitudes fondamentales concernent le don et la recherche d'affection, l'estime de soi, l'agression et l'affirmation de soi. Les névroses sont des stratégies d'évitement de l'angoisse que font naître les situations de compétition et d'échec. Pour y faire face, des besoins névrotiques vont se développer. Tout d’abord des besoins défensifs de protection et de retrait : le besoin névrotique d'affection et d'approbation, le besoin névrotique d'être pris en charge et le besoin névrotique de se retirer de la vie. Ensuite des besoins offensifs et d’expansion : le besoin névrotique de pouvoir, le besoin névrotique d'exploiter les autres, le besoin névrotique de prestige, d'admiration, de réalisation personnelle, d'indépendance et le besoin névrotique d'avoir raison.

Une même situation traumatisante et s’imposant avec force à tous les instants de l’existence, va donc pouvoir être à l’origine de réactions diverses se cristallisant en attitudes pathologiques (motivations de surface). Les formes différentes des réactions s’expliquent par le fait que chaque individu trouve la réaction qui lui paraît la plus pertinente face aux spécificités de la situation particulière qu’il vit.


6- Angélo Hesnard et la culpabilité

La situation de départ

L'enfant se trouve constamment mis dans des situations de dramatisation de ses erreurs, de chantage affectif ou d'éducation par la peur : "tu nous fais honte, si tu nous aimes, ne fais pas cela, l'ogre va venir te punir ...". La motivation profonde de l'enfant est d'échapper aux punitions.


Les solutions trouvées

Face au sentiment de faute, de honte..., la personne adulte se croit toujours l'accusé d'un tribunal sans pitié. Toutes les personnes autour de lui sont perçues comme des juges avec des regards accusateurs. Face à cette situation vécue, l'homme adulte peut avoir plusieurs types de réactions chroniques qui deviennent ses motivations de surface : 1°) rechercher constamment le mérite, avoir toujours le souci de se faire bien voir, montrer son dévouement...(réactions de compensation) ; 2°) prôner et mettre en œuvre une morale et une philosophie de la vie fondée sur l'expiation : affichage d'une volonté de souffrir face aux autres et au travail et de se racheter par ses actions faites dans la douleur (réactions de sublimation) ; 3°) trouver les moyens de se justifier sans cesse, voire de devenir soi-même un accusateur. S'ériger en incorruptible et en gardien des règles (réactions de surcompensation).



III- Conclusion


Les situations fondamentales proposées par les théoriciens de la psychologie ne sont pas les mêmes. On peut donc les considérer comme des expérimentations naturelles qu'ils ont rencontrées chez leurs patients. Il faut aussi savoir qu'ils n'ont pas exploré toutes les situations marquantes de la vie enfantine.


Á partir de ces quelques expériences, on peut cependant essayer de formuler les principes de référence qui les sous-tendent. On peut les formuler ainsi ces principes :


1°) Tout individu rencontre dans son enfance des situations marquantes qui le poussent à réagir.


2°) L'individu cherche et trouve un type particulier de solution au problème existentiel de son enfance.


3°) Le type de solutions trouvées est alors systématiquement mis en œuvre et devient une constante du comportement de l'individu. Cette constante est considérée comme sa motivation.

Bien entendu, ce début de théorie génétique et affective des motivations acquises est incomplète car elle ne tient pas compte des déterminants motivationnels qui viennent du niveau biologique (les besoins), du niveau culturel (les normes) et du niveau idéel (la volonté).

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