La nouvelle forme de l'autorité managériale

Notre environnement culturel a été modifié par l'intégration des outils techniques que sont l'Internet et les réseaux sociaux et par les usages omniprésents et protéiformes que nous en faisons. En conséquence nos réactions, nos habitudes et nos attentes face aux problèmes quotidiens ont été aussi modifiées car la culture influence les conduites. Dans l'entreprise, le management, pour rester performant, doit savoir s'adapter à de nouvelles exigences touchant notamment les relations humaines. Le management 2.0 doit donc exercer son autorité et son pouvoir d'une nouvelle manière. Nous allons voir comment.
Une autorité fondée sur le conseil et le coaching
L'autorité du management ne peut plus être uniquement fondée sur le statut, le titre, les diplômes obtenus, les formations reçues... Tout ce qui relève des acquis passés perd toute valeur intrinsèque. Ce qui compte, c'est comment le manager valide par les conseils et les aides issus de ses compétences..., dans le présent, son positionnement. Cette validation relationnelle assure et légitime son influence.
Pour être reconnu à sa place, le manager doit apporter à son équipe. Il a une expertise technique et des analyses pertinentes, dont il fait bénéficier ses collaborateurs. Ses apports sont largement désintéressés, ils sont faits pour faire progresser les individus ou le collectif. Il donne donc ses conseils en particulier aux uns ou aux autres et aussi à toute l'équipe.
À travers ses conseils il montre à chacun comment il faut faire pour participer aux avancées du collectif. Ses conduites sont toujours, de ce point de vue, des exemples pour ses collaborateurs. C'est ainsi qu'il pourra, en privé, déconseiller des conduites individualistes de compétition outrancière. C'est ainsi qu'il pourra, en groupe, faire appel à la coopération et à la collaboration.
Son positionnement, son standing et son influence sont donc fondés sur ses interventions de pilotage bienveillant et perspicace au service de tous. Ces manières de faire peuvent être renforcées par la mise en place, pour certains collaborateurs, d'un coaching accepté.
Le manager prend alors la figure du mentor, stimulant les progrès de chacun.
Une autorité négociatrice et distributive
L'autorité ne peut plus être fondée sur le commandement indiscutable. L'idée d'injonction ou d'ordre donné, liée au pouvoir du statut, est une aberration dans la culture de l'internet et des réseaux sociaux. Si l'on veut faire passer une idée, il faut l'expliquer et la discuter.
Comme toutes les idées se valent sur les réseaux sociaux, pour faire accepter une idée, il faut convaincre. D'où la nécessité pour le manager d'être patient, de savoir recevoir les contradictions et les questions et, surtout, de savoir négocier. D'où la nécessité aussi pour ce manager de bien connaître ses collaborateurs, leurs enjeux et leurs motivations pour mieux appuyer ses arguments.
Dans une culture de l'individualisme toujours prégnante, chacun doit pouvoir comprendre comment les activités demandées se concilient avec ses propres intérêts. Le manager 2.0 s'appuie donc, pour ce faire, sur une attitude permanente d'empathie et d'écoute.
Face à l'obsolescence du rôle des instructions et des injonctions, l'affectation des tâches et des responsabilités se fait aussi dans la négociation. De plus, dans la nouvelle culture importée du Web, les collaborateurs doivent pouvoir choisir ce qui les attire, ce pour quoi ils se sentent disponibles. Le manager doit faire avec cette demande de liberté. Il s'efforce alors de gérer les demandes et d'organiser les sous-groupes de travail à base de volontariat. C'est en ce sens que son autorité devient "distributive" puisque des responsables de groupes émergent le temps d'une tâche pour changer le temps d'une autre tâche. Le manager préside à l'organisation du travail, mais ne l'impose pas.
Le manager prend alors la figure du juge de paix, négociateur, écoutant et dialoguant avec tous, avant de proposer une décision sage qui fait consensus.
Une autorité valorisant l'intelligence collective et la co-construction des règles
Nous avons largement vu que désormais, à travers la nécessité de tout négocier, le manager doit avoir de grandes qualités d'animateur. Mais il ne peut rester l'animateur cherchant toujours le consensus. Son équipe a une place et un rôle dans l'entreprise. C'est avec elle qu'il est engagé sur des missions à remplir. Quelles que soient ses animations, les résultats sont donc toujours orientés vers ces missions (qu'il a lui-même négociées, évidemment).
Son rôle, à travers ses animations, est donc également de réussir à mettre le collectif au service des missions. Des débats doivent émerger des solutions pertinentes pour les buts collectifs. Les débats sont donc aussi des occasions pour lui de faire surgir une intelligence collective au service de ces missions.
Par ailleurs, dans un collectif comme une équipe dans une entreprise, les libertés individuelles ne peuvent être totalement productives sans des règles acceptées et suivies. Dans l'entreprise, l'émancipation totale de chacun ne peut encore être de mise. Un ensemble de référentiels doit donc être co-construit par les discussions fondant l'intelligence collective. Le manager navigue donc toujours entre la liberté et la discipline. Il est à la fois souple sur les intérêts et motivations de chacun et ferme sur le respect des règles acceptées. Le contrôle exercé change de nature : il est renvoyé à la collectivité qui a façonné les normes et les échelles d'évaluation. Et ce contrôle exercé par le collectif, ne sera certainement pas laxiste et accommodant.
Le manager prend alors la figure du chef d'orchestre catalyseur des savoirs et des intuitions et chargé de faire respecter la partition symphonique, gage de la performance collective.
Une autorité favorisant le devenir personnel de ses collaborateurs
Dans une entreprise, à coté des éléments du nouveau contexte culturel dont nous venons de parler, il existe toujours des éléments faisant référence à la compétition interne (les carrières) et à la compétition extérieure (la concurrence). Les directions, les managers, les équipes, les collaborateurs..., ne peuvent y échapper. Ces éléments omniprésents sont en partie neutralisés par l'autorité managériale dont nous venons de parler. Cette autorité est, somme toute, assez protectrice dans la mesure où elle est centrée sur les individus et l'équipe. Les rôles du pater familias du manager ne sont jamais loin : rôle éducatif, rôle motivationnel, rôle législatif...
Mais le manager doit tenir compte de la superstructure de compétition qui induit des attentes individuelles de développement personnel. Ainsi, des voies échappatoires à la communauté doivent être laissées aux collaborateurs (85% à 90% des collaborateurs des nouvelles générations pensent quitter l'entreprise pour fonder leur Start Up). Leurs compétences, leurs performances..., doivent pouvoir être reconnues à l'extérieur de l'équipe. Les collaborateurs auront à choisir entre deux voies de réalisation individualistes : la voie de la réussite personnelle capitaliste (avec l'attraction forte des modèles des patrons millionnaires de Start Up) et la voie de la réussite personnelle écologique (retour à l'agriculture bio, à l'élevage durable, à l'artisanat, à la cuisine des terroirs...), avec les modèles apaisants du retour à la nature et à la vie saine.
Le manager doit donc valoriser les compétences de ses collaborateurs et les promouvoir. Cette reconnaissance et la promotion afférente ont évidemment des effets motivants sur les collaborateurs et sur l'équipe toute entière. L'engagement et les performances de chacun prennent encore plus de valeur et de sens.
Le manager prend alors la figure du maître-précepteur qui valorise et pousse ses apprentis à aller plus loin et à devenir à leur tour des maîtres-artisans établis à leur compte.
Conclusion
Le manager est désormais un conseiller généreux et ouvert aux personnalités de son équipe. Il conseille et coache. Il sait dialoguer, discuter, négocier et influencer. Il pilote à travers de nombreuses animations qui lui permettent de distribuer les tâches et les responsabilités en fonction des intérêts de ses collaborateurs. Il évite les injonctions directes et les contrôles procéduraux et sait les remplacer par des décisions collectives qui engagent toute son équipe derrière des règles co-construites. Toutes ses conduites, centrées sur le bien-être et les performances des individus comme de l'équipe, servent de modèles à chaque collaborateur tant elles sont adaptées aux situations, justes et encourageantes.

C'est à travers ces manières d'être que ses rôles de référent et de chef d'orchestre sont légitimés et acceptés. À travers cette description on voit apparaître la figure du sage, chef élu de la tribu, qui gouverne en souplesse, sous l'arbre à palabres représentant les normes rituelles communes, et qui fait participer son assemblée de notables représentant les diverses familles.