top of page
Ne manquez pas un article.
Souscrivez ici.

La confiance : techniques de création

La confiance est une qualité particulière de la relation qui naît à travers des expériences de relations positives partagées au cours d’échanges. Il faut donc des échanges et que ces échanges soient "positifs".

On parle souvent des « techniques » facilitatrices de la création de la relation de confiance. Mais ces « techniques » sont pour la plupart des « manières de faire ». Elles sont liées à des conduites et à des attitudes. Nous allons voir quelques unes de ces manières de faire qui, toutes, sont à la base des potentialités d'influence que l'on peut avoir sur les autres..


1- L'attention positive


La confiance que le subordonné accordera à son supérieur est le résultat d’un effort d'attention positive que le supérieur aura fait envers son subordonné. La « volonté de faire confiance à l’autre », lisible à travers les conduites du supérieur, est importante et se trouve être une des sources de la confiance accordée en retour par le subordonné. Ce retour de confiance accentuant la confiance donnée.


La confiance est donc essentiellement le fruit d’un phénomène d’« induction » comportementale bien connu : je pense que vous êtes capable de ceci et le fait que je vous perçoive comme cela, vous pousse à l’être effectivement (principe de la « prédiction qui se réalise » de l’école de Palo Alto).


2- La proximité


Joule et Beauvois (Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens, 2014), citent une expérience troublante. Dans celle-ci, un expérimentateur se place à l'entrée d'une bibliothèque universitaire et demande son chemin à certains des étudiants qui y entrent. Ce faisant, il touche fortuitement l'avant-bras de certains d'entre eux. Tous (qu'ils aient été touchés ou pas) lui indiquent la direction qu'il recherche. Plus loin, dans le bâtiment, un autre expérimentateur, indépendant du premier, joue le rôle de quelqu'un qui fait appel au bénévolat, avec une demande assez conséquente. Il s'adresse à la fois à des étudiants qui ont été touchés et à des étudiants qui ne l'ont pas été. Les étudiants qui ont été touchés forment statistiquement un public nettement plus disponible à une telle demande (40 % acceptent là où seuls 5 % de ceux qui n'ont pas été touchés acceptent). Comme le disent nos auteurs, « s'il n'était qu'un ou deux résultats de ce type dans la littérature scientifique, nous les considèrerions avec curiosité mais aussi avec défiance et nous n'aurions pas jugé nécessaire de les faire connaître au public de langue française. Le fait est qu'ils sont aujourd'hui suffisamment nombreux pour que nous considérions le toucher comme un phénomène que l'on ne peut ignorer.


Les auteurs ne donnent pas d'explication à ce phénomène. Nous pouvons en donner une explication culturelle.


En effet, dans notre culture le toucher du corps d'autrui est réservé aux gens que l'on connait bien. On tient la main de son enfant, les couples se promènent en se tenant par les épaules, les amis se donnent des tapes, les personnes d'une même famille ou les amis s'embrassent, les joueurs d'une même équipe se frottent diverses parties du corps... Toucher le corps d'autrui est le signe transculturel de la proximité avec cet autrui. Toucher le bras de quelqu'un, c'est donc évoquer, par ce geste, cette norme culturelle de proximité. Si la personne ne retire pas brusquement son bras, c'est qu'elle accepte la définition nouvelle de la relation. On retrouve ces « jeux de mains » dans les approches amoureuses. Prendre la main de l'être aimé est un des premiers objectifs de l'amoureux. Il signifie ainsi son désir de « relation proche ».


3- La considération


Ainsi, le toucher de l'autre signifie que l'on ne le considère pas comme n'importe qui, qu'on veut le considérer comme un proche, et, donc, comme quelqu'un digne de confiance. Voici une expérience rapportée aussi par Joule et Beauvois :


« Une jeune femme se revoit sur la plage de San Valentino laissant un voleur emporter, sous ses yeux, le transistor d'une voisine. Elle se revoit aussi quelques heures plus tard, au restaurant, bondissant à la poursuite d'un individu dérobant une valise parce qu'elle avait explicitement auparavant accepté de surveiller cette valise... Dans un cas elle avait fait preuve d'une passivité honteuse, dans l'autre elle avait montré un courage exemplaire... ».


Ils analysent ainsi les différentes conduites de la jeune femme : « elle avait réagi, seulement dans la seconde situation, parce que dans cette situation quelqu'un l'avait priée de surveiller ses affaires et elle avait dit « oui » ; à la plage, personne ne l'avait sollicitée ». Pour ces psychosociologues, le « oui » prononcé par la jeune femme, dans la deuxième situation, est un « acte verbal » d’engagement. En tant qu’acte d’engagement, il a nécessairement transformé son « implication » envers la valise de l’autre personne.


Il y a une manière beaucoup plus évidente d’interpréter ce qui se passe dans les situations prises en exemple. Dans la première situation, il n’y a aucun lien qui est créé entre les deux personnes. Mieux, le fait de ne pas parler à un voisin veut bien dire que l’on ne veut pas nouer de lien avec lui. Dans notre culture, cela est parfaitement compréhensible. Ne pas s’adresser à ce voisin veut dire que l’on tient à respecter la norme du « chacun chez soi », du « ne pas déranger », de la neutralité distante des relations : « je sais que vous êtes là, mais je fais comme si vous n’y étiez pas ». On crée donc une relation « distante ». Lorsque le transistor de la voisine est volé, on est désolé pour elle, mais « cela ne nous regarde pas, ce sont ses problèmes ».


Dans la deuxième situation, le fait de s’être adressé à la voisine, change la relation avec cette voisine. On la considère comme quelqu’un dont on a besoin. Comme quelqu’un d’honnête qui va pouvoir surveiller un bagage. Le simple fait de lui demander cela la « constitue » comme un être « positif » dont on tient compte. On crée donc une relation positive fondée sur un minimum de considération alors qu’auparavant on refusait de créer une quelconque relation. C’est donc pour honorer cette relation que la voisine ainsi sollicitée se sent obligée de réagir au vol de la valise.


Cette « expérience » montre donc l’importance de la construction de la relation positive avec autrui. Elle montre aussi l’importance de la « communication aimable » laquelle « constitue » toujours l’autre comme « être aimable » et qui le pousse alors à rendre l’amabilité.


4- La flatterie et la séduction


L’analyse des manières de faire des séducteurs et des séductrices met en évidence leur utilisation de la flatterie envers les personnes à séduire. Les séductrices, par exemple, mettent les hommes sur un piédestal, leur montrent donc de l’admiration (en clignant des yeux, comme si elles étaient « éblouies »), les font parler de leurs performances, "boivent" leurs paroles... Toutes ces attitudes constituent l’homme à séduire comme « remarquable ». Il n’est même pas nécessaire d’évoquer le fameux « besoin » de reconnaissance ou la congénitale « vanité » des hommes pour expliquer qu’en retour à cette attention admirative, ils accordent leur « confiance » et tombent dans le filet des séductrices qui continueront à les faire parler pour leur arracher des secrets qu’elle veut leur faire dire (dans le cas des célèbres espionnes). Nous avons donc le schéma de fonctionnement ci-dessous.


Une séduction réussie, c'est évidemment la réussite de la création d'une bonne relation. Les séducteurs et les séductrices sont évidemment des influençeurs.



5- Le positionnement aimable de l'autre


Le sourire


Pourquoi le sourire prépare-t-il une bonne relation ? Parce que le sourire s'oppose à la mine renfrognée et que, donc, il signifie l'acceptation de l'autre. En effet, il institue l'autre comme être agréable, digne de recevoir un sourire. Celui qui ne nous est pas sympathique, par contre, aura droit à une mine renfrognée. Il y a deux mécanismes en œuvre dans les effets du sourire :

1°) par l’habitude sociale : sourire à quelqu’un = acceptation de ce quelqu’un ;

2°) par mimétisme retour, celui qui sourit présuppose le sourire retour de l’autre et dont l’acceptation de la relation détendue proposée à l’autre.


L'enjouement et l'aisance


Pourquoi être enjoué et avoir de l’aisance dans le contact prépare-t-il une bonne relation ? Parce qu’être enjoué et avoir de l'aisance dans le contact est une manière d'être qui facilite la mise en place d'une relation de style « décontractée ». On sait bien ( c'est une règle sociale ) que l'on est « décontracté » avec des gens de son milieu, des gens que l'on apprécie et dont on n'a pas à se méfier. Être décontracté avec autrui, c'est aussi lui proposer de nouer le type de relation de complicité qui va avec la manière d'être. C'est donc manipuler la relation en se positionnant comme quelqu'un dont les propos vont être sans ruses et arrière-pensées. C'est donc donner du poids et de la valeur à ces propos. Il y a là aussi deux mécanismes en œuvre dans les effets de l’aisance avec l’autre :

1°) par l’habitude sociale : être décontracté avec quelqu’un = définition de ce quelqu’un comme proche et amical ;

2°) par mimétisme retour, celui qui est décontracté présuppose la décontraction retour de l’autre et dont l’acceptation de la relation détendue proposée.


L'humour


Pourquoi avoir de l’humour prépare-t-il une bonne relation ? Parce qu’avoir de l'humour, c'est montrer que l'on ne se prend pas assez au sérieux pour instituer une « relation sérieuse » avec l'autre. Or, les relations sérieuses rentrent toutes dans la catégorie dominant-dominé. On y trouve la relation : maître-élève ; chef-subordonné ; père/mère-fils/fille ; adulte-enfant ; formateur-formé ; tuteur-suiveur ; décideur-non décideur ; pilote-passager ; guide-suiveur...


En disant, par l’humour, d'une manière implicite, que l'on refuse ce type de relations « classiques », on propose nécessairement un autre type de relation : une relation de complicité d’amusement menant au copinage, à l’amitié, au flirt, à la relation amoureuse…


L’humoriste ne peut heurter l’autre puisqu’il se place dans une position décalée, qui sort volontairement des relations classiques. L’humoriste, comme le séducteur, manipule les apparences pour que le séduit retrouve ses propres qualités chez le séducteur. Par ailleurs, si l’on se permet l’humour c’est bien que l’autre est capable de le recevoir. Donc cet autre est défini d’emblée comme « complice ».


Cette définition est une gratification que l’humoriste ou le séducteur lui fait. Il aura donc tendance à retourner cette marque de reconnaissance positive. Un cercle heureux d’échanges est alors enclenché. On peut représenter ce qui se passe dans les échanges par le schéma ci-dessus.


Conclusion


La bonne qualité d'une relation à une autre personne se construit essentiellement grâce à un positionnement avantageux de cette personne. Ce positionnement favorable doit se faire en douceur, en s’appuyant sur les normes de conversation en vigueur.

Extrait de Alex Mucchielli, "Savoir influencer", éditions Eyrolles, à paraitre, 2020.

Derniers Posts
bottom of page