top of page
Ne manquez pas un article.
Souscrivez ici.

Passez au Nudge management


Bien des "objets" (physiques et idéels), constitutifs de notre environnement nous "incitent" à faire telle ou telle chose. Voyons comment fonctionnent les incitations de ces objets.


1- Exemple : les incitations d'une boite aux lettres


C'est en particulier la sociologie de l'action et de la cognition distribuée qui ont montré comment les objets quotidiens nous proposent des incitations (nommées des "affordances") (A. Ogien et L. Quéré, Le vocabulaire de la sociologie de l'action, 2005).


Le cas exemplaire classique illustrant l’approche de la cognition distribuée est le cas de la boîte aux lettres. En France, lorsque je vois, accrochée à un mur de la ville, une boîte aux lettres jaune, cet « objet » m’apparaît avec de la « connaissance incorporée » en lui. Je sais, par mon expérience acquise à travers le bain permanent dans ma culture, qu’il sert à recueillir les lettres à envoyer. Je sais qu’il est un des premiers maillons d’un système de transport et de distribution de ce type de courrier. Je sais que les lettres mises sont « relevées » régulièrement, etc. Cet objet "boite aux lettres" est donc investi d'un savoir (c'est cela la "cognition distribuée"). Notons que ce « savoir » incorporé dans les objets de la cognition distribuée est un savoir éminemment culturel.


En conséquence, si j’ai une lettre à mettre à la poste (j'ai donc une intention, un enjeu), lorsque je passe devant la boîte aux lettres, celle-ci n'est pas neutre. On peut dire que tout se passe comme si elle m’envoyait une proposition d’interaction (une « affordance ») : la proposition de glisser ma lettre dans sa fente. Ainsi, la boîte aux lettres n’est pas un objet passif de mon environnement. Lorsque je suis « dans un cours d’action », j’appuie mon raisonnement me permettant de poursuivre mon action sur ce type d’objet de mon environnement car, ces objets me proposent des éléments de raisonnement.


Cette approche sociologique contemporaine est intéressante car elle soutient que l'esprit est aussi en partie, en dehors de nous. Il est partiellement incorporé dans des objets, des individus et dans des institutions de notre environnement. De ce point de vue, les raisonnements et les décisions prises par les acteurs sociaux s’appuient donc sur ces objets cognitifs externes. Les “affordances” de ces objets cognitifs reposent, d’une part, sur leur “contenu cognitif” (celui qui a été appris par acculturation) et, d’autre part, sur les finalités des actions-en-cours des acteurs (les acteurs étant toujours engagés dans des résolutions de problèmes).


Dans l'entreprise, au travail et même dans la vie quotidienne..., il y a ainsi quantité "d'objets cognitifs" (mon manager en fait partie) qui, compte tenu de mes actions en cours, de mes intentions et de mes enjeux, me proposent des affordances, c'est-à-dire des interactions possibles. Tous ces objets cognitifs sont donc des objets incitatifs. Nous comprenons comment ils réalisent leurs incitations en servant à un raisonnement implicite que nous faisons avec le savoir culturel qui est incorporé en eux.


2- Maximiser les effets d'une boite à idées par un dispositif incitateur


Très proche de la « boite aux lettres » qui attire les personnes qui ont une enveloppe à mettre à la poste, nous avons, dans les entreprises les « boites à idées ».


Tout le monde a plus ou moins entendu parler des « boites à idées » : chacun peut y glisser anonymement ou non une suggestion pour transformer ou éliminer tel ou tel problème rencontré dans le travail. Comme toute innovation, l’idée s’est peu à peu effacée. Vous pouvez très bien la remettre au goût du jour.


Autour de cette cueillette d’idées il convient d'organiser un dispositif incitateur pour rendre plus efficace l'appel à idées. La boite à idées va être entourée d'un ensemble d'éléments qui vont valoriser son utilisation :

- le dépouillement mensuel donnera lieu à une évaluation des idées,

- cette évaluation se fera, à chaque fois, par un petit groupe de collaborateurs tirés au sort,

- la "meilleure idée retenue" donnera lieu à la réception par son auteur d'une prime ou d'un cadeau ou d'une visite ou d'un bon d’achat ou d'un jour de repos…,

- en fin d'année la meilleure des meilleures idées mensuelles sera primée de la même façon,

- une petite fête pourra être organisée à cette occasion,

- mise en application, suivi et évaluation finale avec modalités de relance,

- ...


On voit comment le management peut donner libre cours à son imagination pour créer, autour de la boite à idées, un environnement ludique et compétitif qui intéressera tout le monde au fait de "donner son idée". Ainsi, le fait de valoriser de différentes façons les "meilleures idées recueillies" mettra en place des facteurs incitatifs supplémentaires pour que les uns et les autres émettent des idées...



3- Des objets incitateurs pour les générations Y et Z


Sur le Web on trouve des reportages qui nous disent que "des dizaines de sociétés ont investi dans l’installation de jeux collectifs pour booster la motivation de leurs salariés en améliorant l’ambiance de travail". Cette mode nous vient naturellement des U.S.A : Google, Amazone, Facebook et Apple (Jeff Jarvis, La méthode Google, 2009).


"Si on demande à un salarié de décrire son entreprise, quelle est la première chose dont il va parler à un ami ou à une personne de la famille ? L’ambiance de travail ! Et par expérience, je peux vous dire que si les locaux de son entreprise possèdent une table de ping-pong, cet élément interviendra assez rapidement dans la conversation. C’est l’effet « Whaou ! » " (http://blog.kollori.com/babyfoot-table-de-ping-pong/).


Il y a deux justifications à cet arrangement soi-disant motivant des espaces de travail : la première, nous venons de la voir : l'effet "Whaou". Cela veut dire que le jeune et nouvel embauché (de la génération Y ou Z) sera épaté par cette modernité. L'image de l'entreprise lui apparaîtra comme moderne et soucieuse du bien-être de ses employés (parce que ces jeux ne sont pas -pour l'instant- d'usage courant dans les entreprises). La deuxième justification est liée à l'évolution des attentes envers les entreprises : les jeunes générations ne se rendent plus au bureau pour travailler toute la journée mais pour s’épanouir intellectuellement, créer du lien social en se faisant des copains. Les espaces de jeux leur offrent alors des incitations facilitatrices pour arriver à ces enjeux. Nous voyons que pour susciter des réactions positives, il faut savoir répondre à des attentes.


Ainsi donc, lorsqu'une entreprise met à disposition de ses salariés un espace de jeux collectifs avec table de ping-pong, baby-foot ou billard, cette organisation particulière de l'espace de l'entreprise envoie un message aux personnels. Ce message dit quelque chose du genre : "notre entreprise se veut différente des autres en vous traitant différemment et en considérant que vous avez droit à vous détendre et à vous amuser pendant les heures de travail". Ce message est reçu à 100% par les salariés des générations Y et Z car ces collaborateurs attendent (toutes les enquêtes le montrent) qu'ils puissent faire des rencontres et se faire des copains sur leur lieu de travail. Évidemment, la génération des anciens rigole et apprécie la bonne manipulation des attentes des petits jeunes. Il n'en reste pas moins que les petits jeunes sont poussés à travailler et (en plus) qu'ils disent partout qu'ils travaillent dans une entreprise "sympa".


4- Conclusion


Nos expériences courantes, comme les explications de la sociologie de la cognition distribuée, montrent que de nombreux éléments de notre univers de vie nous proposent des interactions précises avec eux. Ces éléments humains ou matériels sont chargés d'expériences culturelles et ils incitent donc à répondre à leurs propositions implicites : ils pilotent ainsi les réactions.


Il est tout à fait important de comprendre qu'un manager peut déterminer -par les agencements qu'il met en place et par ses activités et attitudes- les influences que des éléments de l'environnement de travail auront sur ses collaborateurs.


Notre dernier ouvrage : "Passez au Nudge management" (Eyrolles, 2019) apprend à observer et à penser l'organisation des situations de travail pour les rendre plus humaines et plus efficaces. Cet ouvrage démonte les mécanismes des effets incitatifs et inducteurs connus.

Derniers Posts
bottom of page