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Motivation et situation professionnelle

Introduction


En ce qui concerne la vie professionnelle, on sait comment la longue pratique d’une profession inculque une vision du monde et des conduites typiques. Quarante ans de comptabilité ne façonnent pas les mêmes attitudes que quarante ans de pratique de la vente à la clientèle sur les marchés. Les préoccupations professionnelles constantes forgent des sensibilités particulières et façonnent des tendances orientées à l'action découlant de visions des choses différentes.

Les contraintes du métier et ses exigences contiennent une certaine "logique" dont on s’imprègne à la longue. Des études sociologiques démontrent précisément ces phénomènes.


1- Les agriculteurs, les marins et les mineurs : volontaristes et désabusées.


La sociologue C. Lévy-Leboyer (L'ambition professionnelle et la mobilité sociale, P.U.F., 1971), à partir d’une large enquête par questionnaire, a reconstitué les attitudes fondamentales et les conduites dominantes de certaines professions. Elle a mis en évidence la parenté des mentalités professionnelles des agriculteurs, des marins et des mineurs.

Pour elle, on peut dire que ces groupes professionnels ont une mentalité à la fois volontariste et désabusée. En effet, ils sont travailleurs et estiment à 75 % “ qu’un travail opiniâtre vient à bout de tout”, ils ne croient pas qu’ils puissent réussir : 90 % pensent qu’ils “n’ont jamais de chance quoi qu’ils fassent”, et par ailleurs, ils sont superstitieux, craignant le mauvais sort et voyant souvent, derrière les éléments naturels quelques vies ou entités douées de volonté particulière.

Ce qui caractérise ces groupes professionnels, c’est la structure commune de leur cadre de travail qui induit donc leurs manières d'être et de penser. Ces trois professions sont :

1) en contact direct avec la nature ( la terre, la mer, la mine) ; par ailleurs,

2) leur travail demande un effort physique direct ( même par l’intermédiaire des machines) et le résultat de leurs efforts est directement visible (les labours ou la récolte, la pêche faits, le minerai extrait) ; enfin,

3) dans leur travail interviennent des circonstances naturelles imprévisibles et catastrophiques qui les menacent et surtout ruinent leurs efforts ( grêle, tempête, coup de grisou ou poche d’eau…).


2- La mentalité "stratégique" des cadres


Le sociologue M. Crozier a décrit la vision des choses et les conduites des cadres des grandes entreprises (Le phénomène bureaucratique, Seuil, 1971). Ils possèdent une mentalité qu'il appelle “stratégique”. Il a en effet montré que ce cadre croit au commandement libéral : il ne faut pas être autoritaire-distant, il vaut mieux être proche et savoir parler à ses collaborateurs, il faut savoir expliquer et convaincre, il vaut mieux créer une bonne ambiance de travail dans son équipe. Par ailleurs, ce cadre croit à sa supériorité : celle acquise par ses diplômes, celle qu’il possède naturellement par don qui lui permet d’avoir de l’influence, celle, innée aussi, de son intelligence. Il aime la discussion, les débats, les confrontations qu’il juge même nécessaires à la bonne marche du travail, à la genèse des bonnes solutions techniques qui existent toujours pour lui. Son modèle de comportement, du point de vue relationnel, est, nous dit Crozier, un modèle de négociation permanente. Il négocie avec ses subordonnés comme avec ses collègues ou encore avec ses supérieurs. Sa position de nœud relationnel ou encore d’échelon tampon induit ce comportement. Le cadre accepte l’autorité mais il la conteste volontiers et préfère s’en remettre à la discussion avec ses collègues pour trouver des solutions à ses problèmes. Il prise peu les contestataires irréductibles qui ne savent se laisser convaincre par lui ou entraîner par son allant. Par ailleurs, encore, ce cadre est en compétition permanente avec ses pairs. Il faut que ses idées passent, qu’on reconnaisse ses efforts et sa valeur. Il a une “carrière” à réaliser et compare sans cesse son état à celui de ses collègues ou de ses camarades de promotion. Enfin, ce cadre estime donc que sa vie professionnelle est une lutte de tous les instants dans laquelle il court en permanence un certain nombre de risques. Surtout le risque de perdre sa place et son statut. Dans toutes ses relations sociales, il s’efforce de négocier la reconnaissance de sa valeur qu’il aime par ailleurs afficher avec de nombreux objets de consommation de standing.


3- La solidarité des travailleurs en milieu hostile


Le sociologue R. Sainsaulieu (Les Relations de travail à l'usine, Éditions d' Organisations, 1973) a décrit la mentalité de la solidarité ouvrière des ouvriers du travail de force dans une fonderie. Dans cette fonderie, l’environnement du travail est celui d’une usine du XIXème siècle. Les conditions de travail sont pénibles dans un environnement vétuste. On est confronté en permanence au danger (au feu, au métal en fusion,…). Seule importe sa force physique, il y a juste un tour de main à acquérir et aucune perspective d’avenir et de promotion. Le travail est répétitif et ne demande aucune initiative, les pièces sont faites en grand nombre. Beaucoup d’ouvriers ne supportent pas ces conditions de travail et le turn-over est important. Dans ces conditions on observe, sur les lieux de travail, une mentalité commune. Cette mentalité est faite des attitudes et des conduites suivantes : soumission et acceptation de l’autorité du contremaître, entraide dans le travail, refus de considérer les différences, refus de la polémique et des discussions d’opinions et donc recherche de la cohésion du groupe, recherche du consensus, ralliement des minorités à la majorité...


Conclusion


Dans ces études sociologiques tout à fait exemplaires, nous voyons que ce n’est jamais un élément seul qui concourt à la formation de la vision des choses et des conduites (et, par delà, des "motivations"), c'est une structure complète, un dispositif professionnel comprenant de nombreux éléments humains et physiques. Ces éléments composent les contraintes et les voies échappatoires qui s'imposent aux Hommes en situation. Il n'y a pas de "motivations" au sens traditionnelle où ces motivations viendraient du fond de la personnalité. C'est la "logique" de la situation de travail qui définit et impose les conduites possibles.


Dans des entreprises où des logiques professionnels ont été mises à jour (le cas des cadres vu ci-dessus), il existe des situations où un responsable pourra utiliser des lignes de force de ces logiques (pour les cadres on pourra leur faire des offres de carrière). En général, dans les grandes entreprises, dans les différents services et ateliers, des logiques professionnelles sont déjà en place. Il faut des observations poussées pour les expliciter. Autrement dit, il sera la plupart du temps impossible à un responsable de se servir de ces logiques pour pousser ses collaborateurs dans telle ou telle voie.



 

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