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Du conditionnement scolaire et social


Omar Youssef Souleimane, syrien de trente ans, nous raconte sa scolarité passée en Arabie saoudite avant son retour en Syrie, puis sa fuite en France à cause de la guerre ("Le petit terroriste", Flammarion, 2018). Dans son ouvrage il nous remet en mémoire ce qu'est une éducation à la saoudienne. Les contempteurs de notre système éducatif pourront comparer. Les défenseurs de la culture islamique pourront y puiser des arguments.


Les piliers de l'éducation saoudienne

Pour Souleimane, dans le système éducatif saoudien, il y a trois éléments fonctionnant ensemble :

1°) des répétitions inlassables de formules prescrivant les bonnes conduites et les bonnes pensées à avoir,

2°) l'apprentissage par cœur de ces mêmes formules et,

3°) des éléments punitifs venant de l'entourage social.


L'école

L'école a l'essentielle mission de former de bons musulmans, qui connaissent et respectent le coran. Pour ce faire non seulement le programme est largement coranique mais les élèves entendent des centaines de fois par jour les adiths du Coran ("communications orales du prophète pris comme principes de gouvernance personnelle et collective")..


"Le programme d'étude était coranique... Quatre de mes livres de cours portaient sur la religion : la jurisprudence, le hadith, l'interprétation, le monothéisme. Les autres matières, mathématiques, science de la nature, littérature, étaient peu ambitieuses."(P. 64)


"... tous (nos professeurs) portaient la barbe et finissaient chaque phrase par "Allahou 'Alam" - Dieu seul le sait", une façon de dire que Dieu est au dessus de toute connaissance. Même l'enseignant de mathématiques, quand il résolvait une équation, écrivait cette phrase au tableau." (p. 82)


"Le professeur de dessin était égyptien et répétait à chaque séance un hadith du Messager : "Tous les dessinateurs d'images iront au feu. On leur insufflera autant d'âmes que le nombre d'images qu'ils auront dessinées et Allah les soumettra au supplice de l'enfer." (p. 115).


"Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au jour dernier, qui n'interdisent pas ce qu'Allah et son Messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité... Ces mots là, je les avais entendus des dizaines de fois dans la bouche de mes professeurs..." (p. 188)


La famille

L'éducation familiale repose également largement sur la répétition des adiths.


"Sans violence, a continué (mon père), la plupart des femmes n'obéissent pas à leur mari. Ce n'est pas pour rien qu'on lit dans le Coran : "Et quant à celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez-les, éloignez vous d'elles dans leur lit et frappez les" (p. 73)


"Après chaque dispute avec ma mère (mon père) m'appelait pour me répéter le hadith du prophète : "Les femmes manquent de raison et de religion." Il ajoutait : "Dans toute notre grande histoire musulmane, aucune femme n'a jamais occupé les fonctions de dirigeant, de médecin ni d'architecte. Leur place est à la maison pour élever les enfants." (p. 197).


Le collectif social

Il faut faire cinq prières par jour et pour chaque prière, répéter dix sept fois la sourate al-Fatiha à la louange d'Allah. Cette sourate occupe l'esprit en permanence et guide toutes les conduites..


"Comme vous le savez, le Coran est la parole d'Allah. C'est pour cela que ce mot est un de ses attributs. On est obligé d'exécuter ses ordres sans réfléchir." (p. 127)


"... le musulman doit croire tout ce que contient le Coran... Mohammed a ordonné de suivre sa parole sans en rien changer. Tu connais ce hadith : "Toute nouveauté est innovation et toute innovation est égarement." (p. 201)


Les menaces

Les menaces punitives viennent :

1°) de la peur du rejet de la famille ;

2°) de la peur du rejet par la société (dénonciation, emprisonnement, torture, mutilation, mise à mort...), ("le travail des "Comités pour la promotion de la vertu et la prévention du vice" est de sanctionner les infractions à la charia." (p. 76) ;

3°) de la menace de rôtir éternellement dans les flammes de l'enfer après une mort en mauvais musulman.


La résilience

La résilience est la capacité d'un organisme à surmonter une altération de son fonctionnement et à revenir d'un état de stress traumatique à l'état normal. Qu'est-ce qui a fait que Omar Youssef Souleimane ait résisté à ce conditionnement et soit devenu ce qu'il est désormais : un écrivain, poète et journaliste ?


Il propose lui-même plusieurs pistes relevant de secousses émotives :

1°) son goût pour la poésie arabe pré-islamique et les lectures qu'elle a entrainées, sa lecture de poètes français tels Eluard et Rimbaud,

2°) son dégoût de la société saoudienne et de ses riches enfants gâtés,

3°) son attirance amoureuse pour une jeune fille,

4°) son affection pour sa mère battue par son père,

5°) des interrogations sur la légitimité des interdits de la religion...


Autant de petits chocs affectifs qui ont cassé l'enfermement psychique et permis la réflexion, l'observation à coté des œillères fournies et ont fait jaillir le sens positif d'une conduite d'évasion pour aller à la rencontre d'un autre monde que l'on peut encore appeler : "le monde libre".

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