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Mythe et réalité du travail dans une start up


Les start-up sont un modèle d'entreprise, porté aux nues par les médias, mais il semble qu'elles soient plutôt un lieu de "violence opérationnelle", comme le dit, par ailleurs, un observateur avisé. Dans ces petites entreprises qui doivent lutter pour exister, les contraintes et les exigences de la situation vécue génèrent des conditions de travail extrêmement stressantes, loin de l'idée d'un travail cool et détendu. Nous allons examiner cela.


La situation de travail dans une start up


Ces entreprises ne sont pas le lieu des relations de travail idylliques de copinage étudiant avec absence de formalisme comme on tend à les présenter. Au contraire il y a des responsables, des chefs de..., avec des intitulés pompeux qui cependant sont vides ; elles font appel à des procédures strictes et des contrôles exigeants ; elles ne possèdent pas une hiérarchie amicale : la hiérarchie qui n'a aucune expérience du management des Hommes en situation de crise, fait sans cesse pression et exerce divers chantages liés à la mort même de l'entreprise ; il n'y a pas de management participatif : il y a celui ou ceux qui ont investi et pris des risques qui décident et les autres ; on y rêve de perspectives enchanteresses de développement et de richesses : mais on est payé au lance-pierre sur des contrats précaires... Les collaborateurs de ces start-up sont confrontés à la réalité du travail dans des entreprises restreintes qui n'ont pas d'historique à partager, donc sans réel référentiel commun à part un imaginaire d'eldorado porté par les média ; entreprises fragiles, car non rentables, qui se retrouvent endettée et finalement constamment « en mode survie ».


On peut toujours rêver aux avantages fastueux des salariés de Google, ou d'Apple... mais, selon une étude, 19% seulement des employés de start-up se sentent heureux dans leur travail et seulement aussi 17% d'entre eux se sentent vraiment valorisés et épanouis. Par contre, beaucoup de collaborateurs se sentent en marge, sous-estimés et, même, «pris au piège». La "coolitude" n'est donc pas au rendez-vous. Par ailleurs, le travail en open space qui est la norme est loin d'apaiser le stress général. Dans cet espace, tout le monde peut surveiller tout le monde et plus personne n'a d'intimité. Le bruit ambiant est gênant et finit par perturber la concentration personnelle.


La structure de cette situation de travail


Ce qui caractérise la situation de travail dans ces start-up, c’est donc une structure faite des éléments suivants :


Le rêve et la valorisation

- le rêve toujours présent de succès porté par des modèles prestigieux connus de tous (Tesla, Amazon, Apple, Facebook...) ;

- la valorisation sociale personnelle liée au travail dans une start-up (la start-up porte l'idéologie actuelle de l'innovation sociale et technique, de la transformation écologique du monde, de la réussite personnelle et collective...) ;


Le stress et les déceptions

- la rupture complète de la partie rêve et valorisation précédente avec la réalité concrète du travail : stress du travail lui-même et de l'organisation de ce travail, stress lié à la survie de l'entreprise et donc stress lié à la pérennité non assurée de son emploi, stress des relations avec les responsables, les banquiers... ;

- les à-coups dans le travail : des périodes intenses et euphorisantes de brains-storming et de réunions scrum ou de pitches publics et de longues période de tâches ingrates et décevantes ; des espérances de financements généreux et de méchantes déceptions finales...


La structure de la situation de travail dans une start-up est donc un véritable "piège" comme le disent certains des membres de ces entreprises. Ce piège est composée de deux dichotomies et oppositions entre, d'une part : l'espérance-valorisation et, le stress permanent et multiples et, d'autre part entre : des périodes euphorisantes et des périodes décevantes. Les tensions schizophréniques entre ces éléments opposés entraînent :

- de l'anxiété, voire des crises d'angoisse avec leurs somatisations (on ne sait pas quelle vision adopter, on craint toujours le pire, rien n'est jamais acquis),

- de l'instabilité émotionnelle (variation permanente entre l'optimisme et la déception, l'euphorie et l'abattement, la grande satisfaction et le mécontentement),

- une altération des capacités de jugement (on ne connait plus la valeur du travail, des signaux positifs deviennent vite de mauvais signaux et inversement, rien n'est définitivement positif ou négatif, les promesses extérieures sont toujours à double tranchant).


Les réactions induites


La situation est donc psychologiquement pénible. Quelles sont les conduites qu'elle génère ? On constate essentiellement que cette situation pousse les manageurs et les collaborateurs à se noyer dans le travail (fuite pour oublier et se préserver des chocs à venir) ; les pousse aussi à rechercher entre eux des moments chaleureux vite cassés par l'angoisse et par le besoin de protection psychique égoïste (essai de fusion-cohésion protectrice dans le partage qui ne tient pas). Il ne faut pas cependant négliger les conduites d'évitement définitif de la situation : la démission ou la demande de rupture conventionnelle (2% à 5% des cas). L'engagement a des limites face à la déception vécue et au stress permanent avec ses somatisations.


Les startupeurs n'ont donc pas, en général, une "motivation" au travail acharnée et désintéressée, ils réagissent seulement à la "logique" de leur situation de travail.


Extrait de l'ouvrage : "20 idées fortes pour réfléchir à son équipe ou entreprise et à ses manières de faire", A. Mucchielli, à paraitre aux éditions Ellipses en 2021.

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