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Le management par la sélection des meilleurs


Les élus du chef

Dans ce type de management le responsable hiérarchique demande toujours des efforts, des travaux et des services aux mêmes subordonnés qui sont jugés être "les meilleurs". Il leur confie les missions de confiance comme les urgences et les travaux délicats. Finalement le Service ou l’équipe repose sur le travail de ces quelques-uns toujours sélectionnés par le chef. Le manager ne fait confiance qu’à eux. Il leur trouve toutes les vertus et compétences.


Les compétences des élus

Ces élus du chef se trouvent donc rapidement surchargés de travail. Mais ils sont tout à fait valorisés par cette marque de reconnaissance. Les façons de faire du chef les désignent en effet, aux yeux de tous, comme étant “les meilleurs”. D’ailleurs, en travaillant toujours avec le chef, et comme le veut le chef, ils deviennent petit à petit très performants. Ainsi la confiance du chef s’accroit elle. Ceci leur vaut de nouvelles demandes de travail et ils se voient confier de nouvelles responsabilités. Une première boucle de récurrences auto-amplificatrices est ainsi constituée : 1 et 2 renforçant 1 et ainsi de suite.


La peur de la faute

Il faut remarquer que par ses façons de faire, le manager crée deux catégories de personnels chez ses subordonnés : “les bons” et “les mauvais”. En effet, ceux qui ne sont pas choisis sont donc relégués. Ils sont ceux auxquels le chef ne fera jamais appel, ceux qui n’ont pas sa confiance, ceux qui risquent de faire des fautes qui retomberaient sur lui...


Le dépit des relégués

Sans doute le schéma systémique des relations ci-dessus est-il incomplet. Ils ne fait pas apparaître la deuxième catégorie de collaborateurs : les moins bons, ni leurs relations avec le chef et les autres membres de l'équipe. Dans la réalité, ceux qui sont désignés implicitement comme "moins bons" (1 bis) et avec qui le chef ne veut pas prendre de risque, non seulement lui en veulent, mais ont nécessairement une réaction de dépit (2 bis) qui va impacter leurs relations avec leurs collègues désignés comme "les meilleurs". Par ailleurs, les élus ne vont pas être sans une certaine gène face à leurs collègues relégués.


Les effets pervers des enchaînements

Au début de la confiance que leur fait le chef, les personnels qui sont désignés pour toujours travailler avec lui, sont satisfaits. Mais les demandes de travail ne cessent d’affluer. Ils deviennent petit à petit entièrement submergés par les exigences du chef. Par ailleurs, lorsqu’ils ne sont pas là, le service ne peut plus tourner, personne d’autre ne peut faire ce qu’ils ont à faire. Et de toute façon le chef ne l’admettrait pas. Si au départ, être choisi par le chef pour faire du travail est valorisant, la charge devient finalement pesante. D’autant que très souvent, le chef n’a pas beaucoup de moyens pour réellement gratifier par des primes ou des avancements de carrière.


Le manque de ressources de gratification

S’il se comporte d’ailleurs comme ceci, en sélectionnant des “performants”, c’est bien parce que sa seule possibilité de “gratifier” ceux qui travaillent pour lui est de les valoriser à travers une marque distinctive psychologique. Ainsi, ces personnels finissent par comprendre qu’ils ne retireront guère de satisfactions concrètes de leur engagement. Ils se trouvent alors petit à petit piégés dans le management du chef. Très précisément, ils hésitent à refuser les offres de travail supplémentaire que donne le chef : en effet, refuser, ce serait ne plus être dans “les meilleurs” et tomber dans la catégorie des “mauvais”, être dévalorisés, être relégués. Ils tiennent fondamentalement à cette valeur qui leur est accordée. Mais en même temps, accepter le travail supplémentaire, c’est encore être davantage stressés et travailler davantage pour une gratification uniquement psychologique.


L'attachement paradoxal

Devant les hésitations des personnels qu’il a élus, le chef est conduit à renforcer ses demandes de collaboration privilégiée. Il devient plus pressant, il s’efforce de promettre de plus en plus de gratifications psychologiques ou de récompenses plus ou moins formelles. Ainsi donc, ces personnels toujours sollicités ont un attachement paradoxal à leur situation : ils s’en plaignent, mais ont en même temps peur de ne plus être sollicités, ce qui signifierait qu’ils ont perdu leurs positions valorisantes. Cette étape psychologique se traduit par des plaintes fatalistes et non revendicatives” (A. Mucchielli et J. Hart, Soigner l’hôpital. Diagnostic de crise et traitements de choc, éd. Lamarre, 2ème éd. 2001, p. 76). Ces personnels qui acceptent de devenir des gens indispensables au fonctionnement du service ont l’impression d’être pris dans un engrenage dont il leur sera difficile de sortir.


Le mécontentement paradoxal et le cercle vicieux

Par son management par les “meilleurs”, le chef a aussi créé une catégorie de personnels relégués. Ceux-ci ont bien conscience d’être dévalorisés (3). Ils en sont aussi à la fois satisfaits et mécontents. Satisfaits car ils échappent au travail de forcené de leurs collègues. Mécontents car ils ne sont pas dans les meilleurs, le chef ne les estime pas. Ces personnels délaissés vont rationnaliser leurs positions. Ils se diront que finalement ils ont évité l’exploitation éhontée dont sont victimes les autres. De plus, mis sur la touche par le chef, ils auront toutes les bonnes raisons pour jouer les personnels démotivés, ils auront en quelque sorte le droit de refuser le travail, de ne rien faire lorsqu’il y aura des travaux urgents... Ils se construisent une situation confortable en compensation à la dévalorisation dont ils sont victimes. Devant les réactions de démotivations et d’apathie des personnels qu’il a rejeté et constitué en groupes de “mauvais”, le chef renforcera son rejet. Il les critiquera d’autant plus que ceux-ci feront de moins en moins d’efforts et réussiront de moins en moins ce qu’ils entreprennent.


La prise de risque paradoxale

Finalement ce chef ne sait pas exploiter les ressources de l’ensemble des personnels de son équipe. Il a même divisé par deux ses ressources. Il prend le risque de fonctionner avec des personnels de plus en plus stressés et fatigués. Ceci est d’ailleurs un des paradoxes de la situation, car ce type de management apparaît très souvent lorsqu’il existe, dans la situation de travail, des risques d’erreur (bloc chirurgical, bureau d’études avancées, techniciens de pointe...). Par leur façon de faire, les managers étant dans cette situation ne maximisent pas les chances de réussite en se servant de l’ensemble des ressources humaines de l’équipe et font courir des risques à tout le monde.



Le rôle des contraintes de la structure organisationnelle

Ces analyses tendent à désigner le manager et sa volonté d'éviter les risques et de bien faire comme "causes" majeures. Ceci parce que nous avons "cadré court", sans prendre en compte les contraintes organisationnelles qui pèsent sur la situation de management. Il faut en effet remarquer qu'outre le manque de possibilités de gratifications concrètes et la peur des risques liés au travail lui-même, l’organisation ne donne aucune règles précises sur l’exercice de l’autorité formelle. Il faut aussi noter la présence d'un modèle culturel de compétition extrême chez tous les managers (flèches bleu du schéma). Ces éléments du contexte sont donc aussi à prendre en compte pour comprendre la mise en place du système (dernier schéma ci-dessous).


Le sens de la conduite de sélection

Ainsi les conduites managériales de ce type de chef nous apparaissent parfaitement logiques si l’on considère l'ensemble des contraintes qui pèsent sur eux. Leurs conduites (la sélection des meilleurs) est une réponse défensive face à l'organisation. Par leurs comportements ils disent à l’organisation dans laquelle ils sont : "bien que vous me donniez peu de moyens de gérer mon équipe et de prendre en compte les risques de notre travail, j’ai trouvé une solution. En outre, cette solution minimise pour moi les risques d’erreur et me positionne dans la compétition interne". L'analyse systémique du "management par la sélection des meilleurs" nous montre que les enchaînements des conduites des chefs et des personnels sont parfaitement dépendantes de la structure interne de l'organisation.

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