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Le point de vue systémique sur les échanges


Le point de vue systémique sur les phénomènes consiste à postuler que tous les phénomènes qui s’offrent à notre observation sont des phénomènes qui ne sont jamais seuls, que ces phénomènes sont nécessairement liés à d’autres phénomènes de même nature, dans une totalité qui s’appelle un système.


Lorsque l'on a à régler un problème interhumain, on reste trop souvent prisonnier d'un point de vue restreint sur le phénomène. Par exemple, pour vraiment comprendre ce qui se passe entre différentes personnes en conflit, il faut replacer ce que l'on observe du conflit ou ce qui est rapporté sur lui, dans un contexte plus large. C'est alors adopter un point de vue systémique.


Exemple : le cas du chef exigeant


Prenons le cas banal d'un chef dit "exigeant". Il est "exigeant" avec la plupart de ses collaborateurs qui se retrouvent dans un schéma répétitif de relations tendues avec lui (cf. schéma ci-dessus).


Ce supérieur a l'habitude de débouler dans le bureau d'un de ses collaborateurs en donnant un travail urgent et prioritaire à réaliser (1 : Exigence). Le collaborateur n'arrive pas à faire ce travail dans le temps imparti (2 : Retard). Alors, son chef le réprimande d'une façon ou d'une autre : engueulade, suppression de prime, baisse de la notation de fin d'année, apport supplémentaire de travail peu intéressant (3 : Réprimande)...


Le point de vue systémique


Pour prendre un point de vue systémique sur ce rituel d'exigences et de réprimandes je ne dois pas en rester à la simple observation de ces « morceaux de communication » immédiates. Je dois élargir mon cadre d'observation.


En l'occurrence, dans ce cas précis, cette réprimande arrive, par exemple, après une série d’interactions assez identiques dans leurs formes et qui sont du genre:


1- le chef reçoit de son propre supérieur un travail urgent à faire, il est lui même débordé et cherche un de ses subordonnés pour faire le travail (1),

2- le chef fait appel à un volontaire pour un travail supplémentaire urgent (2),

3- tout le monde se défausse car il est impossible de faire le travail dans le temps imparti (3),

4- le chef désigne alors un volontaire parmi ceux qui lui semblent avoir le moins de travail (4),

5- le volontaire désigné se met au travail de mauvaise grâce sachant qu’il sera réprimandé à la fin n’ayant pas eu le temps de mener sa tâche à bien, le chef vient lui arracher le travail avant qu’il ait pu le terminer, il s’aperçoit que le travail n’est pas fini (5),

6- il réprimande alors son collaborateur (6)...


On voit qu’un tel cadrage plus large permet de mettre à jour un système d’échanges entre le chef, sa propre hiérarchie et ses subordonnés.


Le cadrage large


A travers ma volonté de comprendre des enchaînements d’échanges, j’ai été amené à faire un cadrage large englobant davantage de personnes. Mon observation m’a conduit à prendre en considération d’autres acteurs que les seules deux personnes de départ. Pour comprendre ce qui se passe dans cet exemple, je dois donc considérer également le supérieur du chef et les autres collaborateurs de l'équipe.


Cette règle de l’observation la plus large possible est directement issue d'un principe de la systémique : « tout être et/ou objet et/ou phénomène..., existe parce qu'il entretient avec les autres êtres et/ou objets et/ou phénomène des interactions qui s'interpénètrent dans un système ». Les propriétés, les caractéristiques, les fonctionnements de ces éléments apparaissent si on privilégie une forme d'analyse qui explicite les caractéristiques des systèmes d'interactions dans lesquels ils sont insérés.


Il convient bien entendu, compte tenu de la problématique à régler, de définir un niveau pertinent d’observation-enquête ; ou, réciproquement, compte tenu du niveau disponible d’observation-enquête, de définir les problématiques abordables. Il faut insister sur cette idée d’interdépendance du problème à résoudre et du cadrage.


Devoir observer tous les échanges pertinents ne met pas l’observateur en difficulté. En effet, s’il ne peut tout observer dans un laps de temps court, il peut prendre son temps, car il est sûr que les communications qui lui ont échappé se présenteront de nouveau à son observation. C’est là la conséquence de l’existence du système des communications qui veut que les échanges soient « récurrents », c’est-à-dire reviennent régulièrement entre les acteurs. Dans un système d’échanges, les échanges entre les acteurs sont constamment « rejoués » sous des habillages concrets divers (pensez à votre famille, à vos collègues et supérieurs, à vos amis et relations...).


L'Ecole de Palo Alto


C’est l’Ecole de Palo Alto qui a proposé cette notion de « cadrage ». « Un phénomène demeure incompréhensible tant que le champ d’observation n’est pas suffisamment large pour qu’y soit inclus le contexte dans lequel ledit phénomène se produit. Ne pas pouvoir saisir la complexité des relations entre un fait et un cadre dans lequel il s’insère, entre un organisme et son milieu, fait que l’observateur de quelque chose qui reste « mystérieux » se trouve conduit à attribuer à l'objet de son étude des propriétés que peut-être il ne possède pas... » (Watzlawick, Sur l'interaction, 1981 ). Watzlawick, précise son idée en disant : « en se centrant sur le seul comportement d'un individu, on peut le déclarer « malade » ou « pathologique » alors que ce même comportement replacé dans le contexte des interactions avec les autres membres de son groupe, n'apparait plus pathologique mais « adapté » ». Ainsi donc, si l’on ne peut replacer le phénomène dans une cadre approprié à son étude et si l’on reste centré sur lui, on va automatiquement être conduit à « interpréter ».


Birdwihtell (in Watzlawick et all., (Une logique de la communication, 1972) a formulé une métaphore qui traduit bien ce que doit être l'observation dans l’approche systémique des relations. Ne pas être dans une bonne perspective de cadrage, « c'est comme si, invité par une équipe de hockey à s'occuper de l'arrière gauche parce qu'il ne joue pas selon les règles, on se bornait à le convoquer dans un bureau pour écouter son histoire et lui faire passer le test de Rorschach sans aller voir comment il se comporte lorsqu'il joue en match avec toute l'équipe ».


Il faudrait donc que nous apprenions à ne pas focaliser notre attention sur le phénomène que nous voulons à toute force analyser et que nous apprenions à regarder tout alentour pour percevoir l'ensemble des acteurs impliqués et leurs actions et évolutions. Watzlawick, par ailleurs, rappelle en particulier, qu'un contexte ne peut déterminer un méta-contexte. C'est-à-dire que l'on ne peut expliquer ce qui se produit dans un contexte par des mécanismes empruntés à un niveau hiérarchiquement inférieur. Par exemple, pour comprendre ce qui se passe dans une famille, il est logiquement erroné d'invoquer -comme on a tendance à le faire spontanément- les "caractères" des individus. C'est-à-dire appliquer à un ensemble de phénomènes, une démarche qui part d'un de ses éléments pris isolément. Il faut trouver des explications dans le contexte approprie, c'est-à-dire ici dans les caractéristiques du système relationnel en entier.

Les "non communications"


On comprend donc, avec cette vision systémique, qu’il y a de multiples causes qui s’enchevêtrent. Dans notre cas, il y a :


1°) le supérieur du chef qui ne sait pas gérer son temps de travail -ni ses propres subordonnés- pour les travaux urgents qui lui arrivent visiblement assez régulièrement ;

2°) il y a le chef qui ne sait pas refuser un travail dont il sait qu’il mettra toute son équipe et lui-même en porte-à-faux ;

3°) il y a ce même chef qui ne sait pas discuter ou négocier avec son supérieur hiérarchique ;

4°) il y a les subordonnés qui « font le gros dos » au lieu de parler avec leur chef de ce problème récurrent des travaux urgents à faire et d'organiser leur travail en conséquence...



Les significations des échanges


Lorsque le chef réprimande son collaborateur, cette réprimande s’inscrit dans tout le processus des échanges que nous avons décrit. Elle prend alors, par rapport à tout ce processus, une signification supplémentaire de celle de « réprimande ». Elle veut donc aussi dire, pour le chef : « mise en échec des exigences de mon propre supérieur », et, pour l’équipe des subordonnés, elle veut dire : « résistance aux exigences du chef ».


L’ensemble de ces deux significations, considérées ensemble, peut nous amener à une troisième signification : elles peuvent vouloir dire : « critique implicite, par les subordonnés, des formes de management de la hiérarchie ou de l’organisation du travail de cette entreprise ». Les règles de ce jeu apparaissent alors. Il s'agit, d'une part, pour les hiérarchiques de la règle de la décharge du trop plein de travail sur leurs subordonnés (ceci pour le supérieur du chef et pour ce chef lui-même) et, il s'agit, par ailleurs pour les subordonnés, de la règle de la critique implicite du management par le sabotage de leurs exigences. Nous sommes là dans l'analyse du jeu et c'est ce type d'analyse qui va ouvrir la voie à une intervention de régulation.

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