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Le sens jaillit du conditionnement comme de la résilience.


Le conditionnement positif et négatif

Dans les années 1900, un scientifique soviétique, spécialiste en physiologie animale et prix Nobel de médecine en 1004, a inventé ce qu'est le "conditionnement" et le "réflexe conditionné" que nous connaissons tous désormais. Dans ses expériences princeps, Pavlov donnait de la nourriture à des chiens en faisant toujours précéder l'apport de nourriture par le son d'une cloche. Il constatait qu'à la vue de la nourriture, les chiens salivaient. Après avoir été habitués à recevoir ainsi de la nourriture, Pavlov fit sonner la cloche sans donner de nourriture. Les chiens se mettaient à saliver uniquement au son de la cloche. Le son de la cloche avait pris le sens d'arrivée de la nourriture.

Il s'agit là d'un conditionnement que l'on dit "positif". Il existe des conditionnements appelés "négatifs", liés au lavage de cerveau mis au point dans les camps de rééducation de la Chine de Mao des années 50. Une des techniques utilisées consiste en une suite d'opérations : les idées, pensées et croyances d'une personnes sont enregistrées lors de ses confessions. Puis, on lui fait écouter ses propos et on lui injecte alors un liquide qui le rend fortement malade, lui donne des nausées et des douleurs intenses. Après quelques semaines d'un tel traitement, la seule évocation minime de ses certitudes premières suffisent à le rendre malade et à lui faire ressentir toutes les douleurs du traitement subi. La personne est dite "guérie" de ses erreurs et mauvaises pensées. Il est désormais prêt à recevoir la rééducation. Les idées nouvelles prendront un sens positif puisqu'elles permettent d'oublier les idées anciennes facteurs de douleurs.

Les formes des systèmes éducatifs

Dans l'histoire, nous avons connu différents systèmes d'éducation : d'abord les éducations dites traditionnelles, fondées sur la répétition, le par cœur et les punitions et menaces associées ; les apprentissages forcés, fondés sur le conditionnement négatif comme le "drill" des formations militaires les plus dures, destinées à ancrer des réflexes automatiques de combat ; les apprentissages behavioristes par association de Watson et Skinner (avec ses applications dans le dressage et la publicité par conditionnement)... Dans ces systèmes à conditionnement, le sens positif des apprentissages acquis venait essentiellement de l'évitement de la punition et de l'obtention de la récompense.

Puis, ces différentes formes de conditionnements ont été dépassés, nous avons alors connu l'arrivée des grands pédagogues classiques : Dewey (learning by doing), Claparéde (l'utilisation des intérêts), Freinet (l'expérimentation), Montessori (la découverte), Lewin (la méthode participative), Huizinga (la pédagogie par le jeu : "Homo ludens")..., puis encore, l'arrivée des méthodes d'éducation positive fondées sur l'utilisation des sensations et des émotions positives avec l'utilisation des neurosciences (Fredrickson)... Dans ces systèmes d'éducation, le sens positif des apprentissages acquis vient essentiellement de la satisfaction éprouvée à travers et dans la réalisation de la tâche dans son contexte social.

Mais il reste encore, de par le monde, beaucoup de systèmes éducatifs fondés sur le conditionnement. À ce sujet, Omar Youssef Souleimane, syrien de trente ans, nous raconte sa scolarité passée en Arabie saoudite avant son retour en Syrie, puis sa fuite en France à cause de la guerre ("Le petit terroriste", Flammarion, 2018).

Un exemple actuel d'éducation par le conditionnement

Dans ce système éducatif, il y a trois éléments fonctionnant ensemble : 1°) des répétitions inlassables des formules prescrivant les bonnes conduites et bonnes pensées à avoir venant du milieu social d'éducation, 2°) l'apprentissage par cœur de ces mêmes formules et, 3°) des éléments punitifs d'un conditionnement négatif venant de l'entourage social.

Les répétitions et l'apprentissage par cœur des formules prescriptives sont celles des "adiths" du coran ("communications orales du prophète pris comme principes de gouvernance personnelle et collective").

Les menaces punitives viennent :

1°) de la peur du rejet de la famille ;

2°) de la peur du rejet par la société (dénonciation, emprisonnement, torture, mutilation, mise à mort...), ("le travail des "Comités pour la promotion de la vertu et la prévention du vice" est de sanctionner les infractions à la charia." (p. 76) ;

3°) de la menace de rôtir éternellement dans les flammes de l'enfer après une mort en mauvais musulman.

La religion dans la société saoudienne est omniprésente (cinq prières par jour et pour chaque prière, la répétition dix sept fois de la sourate al-Fatiha à la louange d'Allah). Elle occupe l'esprit en permanence et guide toutes les conduites. Les préceptes écrits dans le coran, doivent être appris et suivis à la lettre.

"Comme vous le savez, le coran est la parole d'Allah. C'est pour cela que ce mot est un de ses attributs. On est obligé d'exécuter ses ordres sans réfléchir." (p. 127)

"... le musulman doit croire tout ce que contient le coran... Mohammed a ordonné de suivre sa parole sans en rien changer. Tu connais ce hadith : "Toute nouveauté est innovation et toute innovation est égarement." (p. 201)

L'école a l'essentielle mission de former de bon musulmans, qui connaissent et respectent le coran. Pour ce faire non seulement le programme est largement coranique mais les élèves entendent des centaines de fois par jour les adiths du coran.

"Le programme d'étude était coranique... Quatre de mes livres de cours portaient sur la religion : la jurisprudence, le hadith, l'interprétation, le monothéisme. Les autres matières, mathématiques, science de la nature, littérature, étaient peu ambitieuses."(P. 64)

"... tous (nos professeurs) portaient la barbe et finissaient chaque phrase par "Allahou 'Alam" - Dieu seul le sait", une façon de dire que Dieu est au dessus de toute connaissance. Même l'enseignant de mathématiques, quand il résolvait une équation, écrivait cette phrase au tableau." (p. 82)

"Le professeur de dessin était égyptien et répétait à chaque séance un hadith du Messager : "Tous les dessinateurs d'images iront au feu. On leur insufflera autant d'âmes que le nombre d'images qu'ils auront dessinées et Allah les soumettra au supplice de l'enfer." (p. 115).

"Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au jour dernier, qui n'interdisent pas ce qu'Allah et son Messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité... Ces mots là, je les avais entendus des dizaines de fois dans la bouche de mes professeurs..." (p. 188)

L'éducation familiale repose également largement sur la répétition des adiths.

"Sans violence, a continué (mon père), la plupart des femmes n'obéissent pas à leur mari. Ce n'est pas pour rien qu'on lit dans le coran : "Et quant à celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez-les, éloignez vous d'elles dans leur lit et frappez les" (p. 73)

"Après chaque dispute avec ma mère (mon père) m'appelait pour me répéter le hadith du prophète : "Les femmes manquent de raison et de religion." Il ajoutait : "Dans toute notre grande histoire musulmane, aucune femme n'a jamais occupé les fonctions de dirigeant, de médecin ni d'architecte. Leur place est à la maison pour élever les enfants." (p. 197).

Le sens jaillit aussi de la résilience

La résilience est la capacité d'un organisme à surmonter une altération de son fonctionnement et à revenir d'un état de stress traumatique à l'état normal. Qu'est-ce qui a fait que Omar Youssef Souleimane ait résisté à ce conditionnement et soit devenu ce qu'il est désormais : un écrivain, poète et journaliste ?

D'après lui, il propose plusieurs pistes combinées associant des sentiments positifs et négatifs : son goût pour la poésie arabe pré-islamique et les lectures qu'elle a entrainées, sa lecture de poètes français tels Eluard et Rimbaud, son dégoût de la société saoudienne et de ses riches enfants gâtés, son attirance amoureuse pour une jeune fille, son affection pour sa mère battue par son père, des interrogations sur la légitimité des interdits de la religion... Autant de petits chocs affectifs qui ont permis la réflexion, le doute, l'observation à coté des œillères fournies et ont fait jaillir le sens positif d'une conduite d'évasion pour aller à la rencontre d'un monde que l'on peut encore appeler : "le monde libre".

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