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Communiquer pour influencer


En comprenant comment la personne que l'on veut influencer se représente sa propre situation, on peut trouver des arguments et des manières de dire qui vont constituer le contenu et la forme de notre communication d’influence. Pour « parler le langage » de celui que l’on veut influencer, il faut se servir de ses « enjeux » et s’appuyer sur ses normes et ses valeurs.


1°) Avoir une vision pertinente de la situation de l’interlocuteur


Pour maîtriser une situation de communication d’influence, il faut être capable de se faire une représentation correcte de la situation telle qu’elle est définie par l’interlocuteur. Car, ce qui compte, ce n’est pas comment vous voyez, vous, cette situation, mais comment il la voit, lui.


Il faut quasiment être capable d’en faire un schéma. Une fois le schéma fait, on peut raisonner dessus et décider des actions que l’on veut faire pour atteindre tel ou tel objectif.


2°) Connaître les idées clés sur lesquelles repose l’influence en situation


Idée 1 : Les communications prennent leurs significations dans le contexte global de la situation dans laquelle elles ont lieu.


En effet, lorsque l’on interprète quelque chose (une conduite, un geste, une décision…), on replace toujours cet élément à interpréter dans son contexte. D’ailleurs, lorsque l’on ne connaît pas bien les circonstances de l’activité d’une personne, on a du mal à comprendre sa conduite. La situation est donc toujours le contexte global qui permet d’interpréter au plus juste, c’est-à-dire de donner du sens.


Idée 2 : Une « situation », d’un point de vue « objectif », cela existe rarement. Une situation est toujours plutôt une « situation-pour-telle ou telle personne ».


Cela veut dire que, compte tenu de ses normes, de ses enjeux, de sa position et de sa place dans le réseau de ses relations, chaque individu possède une définition personnelle de la « situation-pour-lui ». Une situation objective de la vie quotidienne est toujours perçue différemment par les uns et les autres. C’est l’affaire classique de la bouteille à moitié vide pour l’un, et à moitié pleine, pour l’autre. Notre subjectivité personnelle nous fait interpréter les situations.


Idée 3 : Une « situation de communication », pour la commodité du raisonnement, est décomposable en « contextes » dont les quatre principaux sont : le « contexte des normes », le « contexte des enjeux », le « contexte des positionnements » et le « contexte de la qualité des relations entre les personnes ».


On sait très bien, par exemple, que lorsque l’on est dans une autre culture, le même geste peut prendre une signification différente que dans la notre. Les normes et règles de la culture que l’on ne connaît pas, interviennent pour cette interprétation. Il en est de même en ce qui concerne les « enjeux » de nos interlocuteurs. Quelque chose qui est important pour nous, parce que rattaché à un de nos enjeux forts, n’aura qu’une faible importance pour un interlocuteur qui, lui, est branché sur un autre objectif essentiel pour lui… Ainsi, des « contextes », bien connus de la psychologie cognitive, découpés à l’intérieur de la « situation », servent d’arrière-plans interprétatifs aux différents phénomènes qui se déroulent dans cette situation. Ce découpage facilite les analyses.


3°) Connaître le nouveau modèle de la représentation d’une situation de communication


Le modèle que je présente ci-dessous est un schéma traduisant les idées énoncées ci-dessus. Le schéma montre bien qu’une « situation » peut être « perçue » de différents « points de vue ». Chaque point de vue dépend, pour chaque acteur, de ses normes, de ses enjeux, de sa position et de la qualité des relations entretenues avec les autres, ainsi que de ce qui s’est passé entre les acteurs… Chacun accède donc à une « vision », que l’on peut considérer comme partielle, de la situation totale.


Les différentes visions de la situation

par les différentes personnes présentes dans une situation


4°) Savoir réaliser la modélisation panoramique de la situation


Ce que je viens de proposer se prolonge par une modélisation de la situation, une modélisation pratique qui va concrètement être utile à l’action. Cette modélisation se réalise sous la forme d’un « tableau panoramique » qui est renseigné à partir d’une enquête.


Ce qu’il est intéressant de voir, c’est que le tableau vide présenté ci-dessous, fonctionne comme un « guide d’enquête ». En effet, pour le renseigner complètement, il va falloir aller chercher sur le « terrain » des données pertinentes. Ces données ne sont pas n’importe lesquelles. Elles concernent, pour une situation donnée et pour chaque acteur, ses valeurs et normes, ses enjeux, ses positionnements et les qualités des relations qu’il entretient avec les autres.


Lorsque l’on a rempli une ligne du tableau, on a une représentation schématique de la « situation » pour l’acteur (personne ou groupe) qui est en début de ligne. Lorsque l’on a rempli une colonne, on a la définition du « contexte » indiqué par la tête de colonne. Les éléments portés dans l’ensemble de la colonne constituent la définition même du contexte spécifique de la situation.


Grille d’enquête

ou tableau de modélisation panoramique de la situation


Au fur et à mesure que se déroule le renseignement du tableau panoramique, on élabore donc une véritable modélisation de la situation collective dans laquelle se trouvent les différents acteurs.


Le tableau est d’ailleurs dit « panoramique », car il donne à l’observateur, une vision globale comprenant les différentes définitions de la même situation, faites par les différentes personnes ou les différents groupes.


Cette « modélisation » est, bien entendu, comme toute modélisation, une simplification de la « réalité » situationnelle complexe dont il faut rendre compte. En effet, elle sélectionne un ensemble limité de données, dites « données pertinentes » pour le modèle : celles qui concernent le tableau justement.


5°) Savoir renseigner le tableau panoramique de représentation de la situation


Le renseignement du tableau demande des allers-retours entre son remplissage et le terrain. Il « force » l’observation. Une fois le tableau entièrement rempli, des comparaisons entre les définitions des situations sont possibles et donnent lieu à des analyses en fonction du problème pratique de communication que l’on veut traiter.


Première étape :


Recueil des données informatives sur les définitions de la situation par les personnes ou les groupes : les informations sont recueillies grâce à un ensemble d’interviews divers, et d’observations.


Deuxième étape :


Le renseignement du tableau panoramique à travers une « induction » s’appuyant sur des observations : les informations que l’on va noter dans les colonnes ne sont pas forcément directement données par les personnes à qui l’on parle ou que l’on observe. Ce sont des éléments implicites qui se « trouvent entre les lignes » et qu’il faut expliciter avec, bien entendu, un risque d’interprétation.


Par exemple, les « normes de référence » des personnes ne se trouvent pas « en toutes lettres » dans leurs commentaires. Une personne agit, et elle ne vous dit pas : « je fais ceci car je crois ceci ou cela et mes référents sont ceux-ci ou ceux-là ». Mais, de par notre expérience et notre participation au même monde culturel qu’elle, nous sommes capables, de retrouver les règles qui guident sa conduite. Il s’agit de faire une sorte « d’induction ». C’est un travail d’interprétation, puisqu’il s’agit de lier des conduites explicites ou des paroles à des principes supposés être à la source de ces conduites observées ou de ces paroles.


Le travail d’induction se répète sur les enjeux des acteurs, leurs positionnements et la qualité des relations qui les lient. A chaque fois, il faut faire des hypothèses et « induire » à partir de conduites observables ou de paroles. On minimise les risques interprétatifs dans ce type de travail lorsque l’on fait ces inductions d’une manière répétitive, plusieurs jours de suite.


On travaille, en fait, par « itérations » successives. Dans un premier temps, on repère, par exemple, ce qui semble une « norme » de l’individu observé. A travers ses conduites et ses différents commentaires, on se dit : « il doit avoir pour norme le respect des règles ». Une fois que l’on a cette idée, on la fait fonctionner comme une hypothèse : on se dit « je vais vérifier par mes observations que beaucoup de ses conduites et de ses commentaires confirment ma déduction première ». Lors des nouvelles observations que l’on fait, on se demande alors si l’on peut bien postuler l’existence de cette norme derrière les conduites et les commentaires de la personne. On répète ces opérations d’enquête pour remplir le tableau au sujet des autres normes, des enjeux, des positionnements et des qualités des relations.


Pour mieux remplir les colonnes du tableau, il nous faut bien savoir ce que sont des « normes », des « enjeux », des positionnements », et la « qualité des relations ». Nous rappelons ici, rapidement quelques définitions.


Les normes : les normes sont des règles, le plus souvent implicites, sociales et partagées. Elles guident les conduites et les jugements des acteurs. Elles constituent donc des référents communs aux acteurs. Elles constituent le « contexte normatif » de toute situation. Les normes sont rarement explicitement présentes à la conscience des acteurs. Il faut faire un effort spécial pour se rendre compte qu’elles sont là. Ceci est dû à un phénomène d’habituation.


Les enjeux : l’enjeu d’une personne, c’est ce qui est, d’une manière primordiale, « en jeu », pour lui, dans la vision individuelle qu’il a de la situation. Son enjeu oriente sa perception de la situation et des faits s’y déroulant. Il oriente aussi toutes ses activités en situation. L’ensemble des enjeux des groupes et des personnes participant à une situation constitue le « contexte des enjeux ». Chaque individu (ou groupe) choisit l’enjeu prépondérant pour lui dans le moment. Il peut, bien entendu, passer d’un enjeu à l’autre à tout moment de son activité. Ce faisant, il transforme la « situation-pour-lui ». En effet, une partie des éléments de la situation-pour-lui sont corrélatifs aux enjeux qu’il prend.


Les positions : les individus et les groupes, impliqués dans une situation, ne peuvent pas ne pas avoir des positions réciproques dans cette situation. L’ensemble de ces positions forme le « contexte des positionnements » (colonne 3 du tableau panoramique). Un positionnement peut découler des statuts, des rôles historiques ou actuels. Il découle aussi des places que s’attribuent les personnes au cours de leurs échanges.


La qualité des relations : dans une situation, il ne peut pas ne pas exister d’éléments qui qualifient les diverses relations qu’entretiennent entre eux les individus et les groupes. Cet ensemble d’éléments est constitutif de la situation au même titre que les normes, les positions et les enjeux. C’est essentiellement par sa manière (la forme, qui se différencie du contenu dans la communication), que toute communication participe à la construction de la qualité des relations.


Troisième étape


La formulation des objectifs de l’intervention : toute intervention doit s’interroger sur ses objectifs et les formuler explicitement. Une stratégie de communication d’influence ne saurait être conçue et développée si elle n’a pas des objectifs.


Quatrième étape


La mise au point de la stratégie d’intervention, après l’inventaire des ressources : pour pouvoir élaborer une stratégie de communication, il nous faut avoir des renseignements sur les « ressources de communication » dont disposent les individus ou les groupes.


On a l’habitude de considérer que les « ressources » sont des moyens physiques ou financiers ou encore des moyens en hommes ou des moyens symboliques ( statut, rôle légitime... ) ou encore réglementaires et légaux. Les ressources en communication dont nous parlons concernent nos propres facultés de réagir, de se conduire, d’avoir des attitudes, de dire des choses... Toutes ces expressions sont des « ressources en communication », c’est-à-dire des sortes de moyens utilisables pour « transformer » une situation.


On sait donc désormais que la communication, à travers le dialogue et l’échange, a une action de transformation de la situation. Elle est un instrument d’intervention pour une personne qui tente de modifier les représentations des autres personnes. On sait bien qu’elle fonctionne comme cela dans le discours d’influence. L’influençeur, par ses communications, introduit ou valorise certaines normes et valeurs. Il travaille donc le contexte normatif et le modifie. Il peut faire de même avec les positions (la sienne et celle des autres ) ou encore avec les relations qu’il entretient.


6°) Savoir raisonner avec le tableau panoramique de la situation


Une fois le tableau de la modélisation de la situation pour les « acteurs » (personne ou groupe) entièrement rempli, on peut le commenter et raisonner dessus. On le fait alors fonctionner comme base d’une prévision sur ce qui peut se passer si l’on décide ceci ou cela. En effet, toute décision d’intervention ou d’action d’un des acteurs en cause, prendra un sens, pour les autres personnes ou groupes, dans la situation explicitée par cette modélisation puisque l’on a bien formulé ce qui constituait la situation pour chacune des personnes ou chacun des groupes.


On pourra, par exemple, réfléchir à un « plan de communication » (cf. la fiche : « Concevoir un plan de communication »), en calculant les réactions que chacune des actions prévues pourra provoquer chez les personnes mises dans le tableau. Ces réactions sont calculées en fonction des significations qu’elles prennent dans la situation décrite pour chaque personne.


L’utilisation de la modélisation présentée est performante pour diverses raisons. Elle force celui qui l’utilise à quitter sa vision interprétative immédiate de la situation avec les solutions arbitraires immédiates qu’il a tendance à donner. Elle exige de lui qu’il distingue bien ce qui est « objectivement » rapporté à la situation de ce qui est « construit » par les personnes pour comprendre les différents points de vue des acteurs.


La méthode exige donc un effort de décentration en obligeant à passer de la situation pour une personne à la situation (la « même »), pour une autre personne. Elle forme donc à « l’effort empathique ». La méthode montre que ces efforts d’empathie sont à notre portée dès que nous abandonnons nos préjugés et que nous nous référons essentiellement à une intuition fondée sur notre expérience .


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