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Pourquoi les bonnes pratiques du leader favorisent sa situation d'exercice du leadership ?


On sait qu'un leader doit avoir des qualités psychologiques personnelles liées à son charisme et à son intelligence émotionnelle. Je ne vais pas revenir sur ces éléments largement étudiés et diffusés auprès des managers. Je vais parler de quelque chose de beaucoup moins évident : la situation de leadership qu'il doit créer s'il veut que ses qualités puissent donner toute leur mesure.

Les attitudes des collaborateurs performants qui suivent un leader

Demandons nous d'abord quelles sont les attitudes qui constituent la mentalité des collaborateurs performants qui suivent un leader.

L'attitude de confiance.

Ces collaborateurs ont d'abord une attitude de confiance en leur leader. La confiance dans le leader, c'est une qualité de la relation qui a été créée avec lui. Cette qualité repose sur plusieurs certitudes envers le leader : il fait des efforts pour comprendre et aider ; il est fiable dans ce qu'il entreprend ; ce qu'il fait a du sens et propulse vers les succès ; le succès profitera à tous...

L'attitude de reconnaissance.

Le leader respecte ses collaborateurs et les valorise. En retour, la confiance faite par le leader alimente un sentiment de reconnaissance qui génère chez ses collaborateurs des règles de conduites positives : on lui montre que l'on est sensible à ses attentions ; on fait des efforts pour se montrer digne de sa confiance ; on fait des efforts pour l'aider et pour réussir avec lui.

L'attitude d'acceptation des décisions

La plupart des principes des attitudes de confiance et de reconnaissance que nous avons vus ci-dessus (la croyance dans le bien-fondé du fait de le suivre et de lui obéir, les principes : je dois faire des efforts pour l'aider et je dois tout faire pour sa réussite...), portent en eux la notion d'obéissance. Ainsi, le collaborateur qui suit un leader accepte de suivre ses instructions de travail ; accepte ses remarques et ses conseils ; ne fait pas d'action qui mette en péril ce qu'il fait ; fait des actions qui aident le leader à réaliser ses objectifs.

L'attitude dynamique et pro-active

Le collaborateur performant qui suit un leader n'est pas un "Yes man" (un béni oui-oui), c'est- à-dire une personne admirative, béate et passive. C'est une personne qui va de l'avant, qui prend des risques et des initiatives dans le sens des attentes de son leader. Ainsi, un collaborateur qui suit un leader, anticipe les problèmes, prend des initiatives devant les problèmes rencontrés, n'a pas peur des responsabilités, sait saisir les opportunités...

L'attitude de collaboration avec les autres membres de l'équipe

Le bon leader, on le sait, crée une équipe coalescente. C'est une équipe à forte cohésion interne dans laquelle les membres s'entraident pour la réussite du leader, réussite qui est aussi leur propre réussite. Il n'est pas question de collaborateurs centrés sur eux-mêmes, individualistes et cherchant uniquement leur réussite personnelle aux dépens des autres. Ainsi, un collaborateur qui suit un leader pense qu'il doit collaborer au mieux avec ses collègues, recherche la cohésion de l'équipe, cherche à aider les autres.

La logique des contraintes d'une situation de travail

Je vais maintenant faire un détour par des études de sociologie du travail qui montrent l'importance des structures de situation dans la création des attitudes et des mentalités des personnes qui sont dans ces situations. L'idée est donc de montrer qu'il y a une forte corrélation entre la structure de la situation de travail et les attitudes et les principes personnels des personnes longuement immergées dans une situation prégnante. Cette idée est banale car l'on sait bien que 40 ans dans un poste de comptable façonnent une vision des choses et des principes de vie particuliers, tout comme 40 années passées à juger des délinquants et des malfaiteurs ne donnent pas une belle vision de la vie en société et génèrent des principes de suspicion.

Les agriculteurs, les marins et les mineurs

Claude Lévy-Leboyer (1971), par exemple, à partir d’une large enquête par questionnaires, a cherché à reconstituer les attitudes fondamentales et les valeurs dominantes des agriculteurs, des marins et des mineurs. Elle remarque que ces trois professions sont :

1°) en contact direct avec la nature (la terre, la mer, la mine) ; par ailleurs, que

2°) leur travail demande un effort physique évident ( même par l’intermédiaire des machines) ;

3°) que le résultat de leurs efforts est directement visible (les labours ou la récolte, la pêche faite, le minerai extrait) ; enfin, elle indique

4°) que dans leur travail interviennent des circonstances naturelles imprévisibles et catastrophiques qui les menacent et surtout qui ruinent leurs efforts ( grêle, tempête, coup de grisou ou poche d’eau…).

Ces éléments définissent une structure commune et précise de situation de travail. Or, que montrent les enquêtes faites ? Que ces groupes professionnels ont une mentalité à la fois volontariste et désabusée.

Volontaristes : en effet, ils sont très travailleurs et ils estiment à 75 % “qu’un travail opiniâtre vient à bout de tout”,

Désabusés : ils ne croient pas qu’ils puissent réussir : 90 % pensent qu’ils “n’ont jamais de chance quoi qu’ils fassent”.

Nous remarquons donc que la structure de la relation à la situation de travail distille des valeurs contenues -d'une certaine façon- en elle. Ces valeurs sont analogiques aux nécessités et contraintes impliquées dans la structure de la situation de travail.

Les cadres d'entreprise

C’est avec le même raisonnement implicite qu’un sociologue comme Michel Crozier (1977) a décrit la mentalité des cadres dans les grandes entreprises. Cette mentalité est la mentalité dite “stratégique”.

1°) Ce cadre croit au commandement libéral : il ne faut pas être autoritaire et distant envers ses collaborateurs, il vaut mieux être proche et savoir leur parler, il faut savoir expliquer et convaincre, il vaut mieux, ainsi, créer une bonne ambiance de travail dans son équipe.

2°) Ce cadre croit à sa supériorité : celle acquise par ses diplômes, celle aussi qu’il possède naturellement par don qui lui permet d’avoir de l’influence, celle, innée aussi, de son intelligence. Il aime la discussion, les débats, les confrontations qu’il juge même nécessaires à la bonne marche du travail, à la genèse des bonnes solutions techniques qui existent toujours pour lui.

3°) Le modèle de comportement de ce cadre, du point de vue relationnel, est, dit Crozier, un modèle de négociation permanente. Il négocie avec ses subordonnés comme avec ses collègues ou encore avec ses supérieurs.

Pourquoi, le cadre de grande entreprise possède-t-il cette mentalité ? 1°) Pour Crozier, ceci est d'abord dû à sa position hiérarchique d’échelon tampon. Dans cette position, le cadre accepte l’autorité, mais il la conteste volontiers et préfère s’en remettre à la discussion avec ses collègues pour trouver des solutions à ses problèmes. 2°) Pour le sociologue, cette mentalité est ensuite la conséquence de la compétition permanente que le cadre doit avoir avec ses pairs. Il faut que ses idées passent, qu’on reconnaisse ses efforts et sa valeur. 3°) Par ailleurs, le cadre a une “carrière” à réaliser et il compare donc sans cesse son état statutaire à celui de ses collègues ou de ses camarades de promotion. 4°) Finalement, dans cette situation de travail, ce cadre estime donc que sa vie professionnelle est une lutte de tous les instants dans laquelle il court en permanence un certain nombre de risques. Surtout le risque de perdre sa place et son statut. Dans toutes ses relations sociales, il s’efforce donc de négocier la reconnaissance de sa valeur, valeur qu’il aime par ailleurs afficher avec de nombreux objets de consommation de standing.

Nous voyons donc que les sociologues ont montré, à travers leurs études, les corrélations qui existent entre la structure de la situation de travail et la mentalité des personnes exerçant leur métier dans cette situation. Il est important de voir que ce n’est jamais un élément seul qui concourt à la formation de la mentalité et de ses principes, c'est une "structure de situation" qui est composée d'un ensemble d'éléments prégnants.

La situation de travail favorable au leadership

Notre problème maintenant est donc de savoir quelle est la structure de la situation de travail qui va favoriser les attitudes du bon collaborateur envers le leader : attitude de confiance, de reconnaissance, d'acceptation des instructions, de dynamisme et de pro-activité, de collaboration avec les autres membres de l'équipe. Notre idée est donc de dire que ce n'est pas la seule personnalité du leader qui crée ces attitudes, elles sont aussi engendrées par la situation de travail que le leader doit d'efforcer de créer pour favoriser son leadership.

Cette structure de situation est composée de cinq éléments, en plus de l'existence du leader qui se propose comme chef. Ces éléments sont :

1°) la délégation de responsabilité,

2°) les précisions de la lettre de mission,

3°) le coaching souple du leader,

4°) les perspectives d'élévation personnelle de son niveau,

5°) les perspectives de carrière.

1- La délégation de responsabilité.

Le leader fait confiance et délègue au maximum. La confiance qu'il fait va induire, en retour, la confiance. Le collaborateur est valorisé. Il a des tâches nobles à réaliser. Avec l'encadrement et le suivi que va faire le leader, ce collaborateur est dynamisé. Il doit se montrer digne de la confiance accordée.

2- Les précisions de la lettre de mission.

La délégation de responsabilité est précise et encadrée par une lettre de mission. Les objectifs et leur raisons d'être sont explicités. La qualité demandée est prescrite et des instruments de sa mesure sont donnés. Le collaborateur sait où il va. Il connait le cadre et il a des points de repère. Il sait de qui il pourra recevoir des aides. Il est sécurisé et peut donc prendre des risques modérés lorsqu'il reste dans le cadre prescrit.

3- Le coaching souple du leader.

Le leader suit le travail de son collaborateur. Son coaching n'est pas pesant et constant. Il a de courtes réunions de reporting avec son collaborateur. Le leader lui donne des conseils ainsi que des ressources humaines qui peuvent l'aider. Il lui signale les collègues qui peuvent lui donner un coup de main. Le leader est dans un rôle de formateur. Le collaborateur comprend qu'il perfectionne ainsi ses compétences. Il est normalement valorisé et impliqué dans son travail. Il comprend ce que veut dire l'aide dans le travail.

4- Les perspectives d'élévation personnelle de son niveau.

La délégation de responsabilité et le coaching sont fait dans ce but. Ceci doit bien être expliqué lors de la proposition de délégation. Le collaborateur, dans ses analyses, ses prises de décision... se perfectionne. Le coaching lui a montré qu'une des sources de ce perfectionnement était dans la collaboration avec des collègues. Une formation implicite à la collaboration est mise en place.

5- Les perspectives de carrière.

Elles découlent du point précédent que nous venons de voir. Avec la délégation, le coaching et le développement de son niveau de compétence, le collaborateur peut envisager des perspectives de carrière. Cette ouverture le motive et renforce son dynamisme.

Les 5 éléments que nous venons de voir définissent une structure de situation particulière : cette situation pousse les collaborateurs à avoir des attitudes favorables à l'exercice du leadership. Les bonnes pratiques du leader construisent donc une situation favorable à l'exercice de son leadership.

Lorsque l'on regarde ces 5 éléments de la structure de la situation de travail créée par les conduites du leader, on retrouve tous les conseils bien connus donnés par les spécialistes du management aux responsables qui veulent que leurs équipes soient performantes. Ces conseils sont faits pour créer la cohésion, le dynamisme et la collaboration dans la confiance. Ce sont les règles immuables d'un management dit "humaniste".

Conclusion

Il y a un cercle vertueux entre les bonnes pratiques du leader que nous venons de voir et la situation qu'il crée. Cette situation permet à ses collaborateurs d'être réceptifs à son leadership ; les attitudes des collaborateurs appellent l'exercice des bonnes pratiques du leader ; l'exercice des bonnes pratiques du leadership renforce alors la situation dans laquelle les collaborateurs sont réceptifs au leadership, etc.

Ainsi, ce n'est pas seulement les qualités psychologiques personnelles de charisme du chef qui en font un leader : un ensemble de bonnes pratiques de management construit une situation favorable à l'exercice du leadership. Le leadership est donc aussi une affaire de situation de travail dans laquelle sont mis les collaborateurs.

Ceci veut dire aussi qu'il y a des entreprises et des équipes de travail dont la culture et l'organisation ne vont pas permettre l'éclosion de leaders. Ce sont les entreprises et les équipes qui ne permettent pas la délégation précise des responsabilités, le coaching souple du responsable sur ses collaborateurs, les perspectives de développement personnel des compétences et les perspectives de carrière. Dans les situations de travail où ces éléments sont absents, il est vain de demander aux responsables d'être des leaders. La structure organisationnelle stérilise le leadership.

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